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Book online «De la terre à la lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes by Jules Verne (i read book txt) 📗». Author Jules Verne



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main du Cr�ateur. Mais revenons � notre v�hicule. Quelques-uns de vous, Messieurs, ont pu croire que la vitesse qui lui sera imprim�e est excessive; il n'en est rien; tous les astres l'emportent en rapidit�, et la Terre elle-m�me, dans son mouvement de translation autour du soleil, nous entra�ne trois fois plus rapidement. Voici quelques exemples. Seulement je vous demande la permission de m'exprimer en lieues, car les mesures am�ricaines ne me sont pas tr�s-famili�res, et je craindrais de m'embrouiller dans mes calculs.�

La demande parut toute simple et ne souffrit aucune difficult�. L'orateur reprit son discours:

�Voici, Messieurs, la vitesse des diff�rentes plan�tes. Je suis oblig� d'avouer que, malgr� mon ignorance, je connais fort exactement ce petit d�tail astronomique; mais avant deux minutes vous serez aussi savants que moi. Apprenez donc que Neptune fait cinq mille lieues � l'heure; Uranus, sept mille; Saturne, huit mille huit cent cinquante-huit; Jupiter, onze mille six cent soixante-quinze; Mars, vingt-deux mille onze; la Terre, vingt-sept mille cinq cents; V�nus, trente-deux mille cent quatre-vingt-dix; 110 Mercure, cinquante-deux mille cinq cent vingt; certaines com�tes, quatorze cent mille lieues dans leur p�rih�lie! Quant � nous, v�ritables fl�neurs, gens peu press�s, notre vitesse ne d�passera pas neuf mille neuf cents lieues, et elle ira toujours en d�croissant! Je vous demande s'il y a l� de quoi s'extasier, et n'est-il pas �vident que tout cela sera d�pass� quelque jour par des vitesses plus grandes encore, dont la lumi�re ou l'�lectricit� seront probablement les agents m�caniques?�

Personne ne parut mettre en doute cette affirmation de Michel Ardan.

�Mes chers auditeurs, reprit-il, � en croire certains esprits born�s,—c'est le qualificatif qui leur convient,—l'humanit� serait renferm�e dans un cercle de Popilius qu'elle ne saurait franchir, et condamn�e � v�g�ter sur ce globe sans jamais pouvoir s'�lancer dans les espaces plan�taires! Il n'en est rien! On va aller � la Lune, on ira aux plan�tes, on ira aux �toiles, comme on va aujourd'hui de Liverpool � New-York, facilement, rapidement, s�rement, et l'oc�an atmosph�rique sera bient�t travers� comme les oc�ans de la Lune! La distance n'est qu'un mot relatif, et finira par �tre ramen�e � z�ro.�

L'assembl�e, quoique tr�s-mont�e en faveur du h�ros fran�ais, resta un peu interdite devant cette audacieuse th�orie. Michel Ardan parut le comprendre.

�Vous ne semblez pas convaincus, mes braves h�tes, reprit-il avec un aimable sourire. Eh bien! raisonnons un peu. Savez-vous quel temps il faudrait � un train express pour atteindre la Lune? Trois cents jours. Pas davantage. Un trajet de quatre-vingt-six mille quatre cent dix lieues, mais qu'est-ce que cela? Pas m�me neuf fois le tour de la Terre, et il n'est point de marins ni de voyageurs un peu d�gourdis qui n'aient fait plus de chemin pendant leur existence. Songez donc que je ne serai que quatre-vingt-dix-sept heures en route! Ah! vous vous figurez que la Lune est �loign�e de la Terre et qu'il faut y regarder � deux fois avant de tenter l'aventure! Mais que diriez-vous donc s'il s'agissait d'aller � Neptune, qui gravite � onze cent quarante-sept millions de lieues du Soleil! Voil� un voyage que peu de gens pourraient faire, s'il co�tait seulement cinq sols par kilom�tre! Le baron de Rothschild lui-m�me, avec son milliard, n'aurait pas de quoi payer sa place, et faute de cent quarante-sept millions, il resterait en route!�

Cette fa�on d'argumenter parut beaucoup plaire � l'assembl�e; d'ailleurs Michel Ardan, plein de son sujet, s'y lan�ait � corps perdu avec un entrain superbe; il se sentait avidement �cout�, et reprit avec une admirable assurance:

�Eh bien! mes amis, cette distance de Neptune au Soleil n'est rien 111 encore, si on la compare � celle des �toiles; en effet, pour �valuer l'�loignement de ces astres, il faut entrer dans cette num�ration �blouissante o� le plus petit nombre a neuf chiffres, et prendre le milliard pour unit�. Je vous demande pardon d'�tre si ferr� sur cette question, mais elle est d'un int�r�t palpitant. �coutez et jugez! Alpha du Centaure est � huit mille milliards de lieues, Wega � cinquante mille milliards, Sirius � cinquante mille milliards, Arcturus � cinquante-deux mille milliards, la Polaire � cent dix-sept mille milliards, la Ch�vre � cent soixante-dix mille milliards, les autres �toiles � des mille et des millions et des milliards de milliards de lieues! Et l'on viendrait parler de la distance qui s�pare les plan�tes du soleil! Et l'on soutiendrait que cette distance existe! Erreur! fausset�! aberration des sens! Savez-vous ce que je pense de ce monde qui commence � l'astre radieux et finit � Neptune? Voulez-vous conna�tre ma th�orie? Elle est bien simple! Pour moi, le monde solaire est un corps solide, homog�ne; les plan�tes qui le composent se pressent, se touchent, adh�rent, et l'espace existant entre elles n'est que l'espace qui s�pare les mol�cules du m�tal le plus compacte, argent ou fer, or ou platine! J'ai donc le droit d'affirmer, et je r�p�te avec une conviction qui vous p�n�trera tous: �La distance est un vain mot, la distance n'existe pas!

—Bien dit! Bravo! Hurrah! s'�cria d'une seule voix l'assembl�e �lectris�e par le geste, par l'accent de l'orateur, par la hardiesse de ses conceptions.

—Non! s'�cria J.-T. Maston plus �nergiquement que les autres, la distance n'existe pas!�

Et, emport� par la violence de ses mouvements, par l'�lan de son corps qu'il eut peine � ma�triser, il faillit tomber du haut de l'estrade sur le sol. Mais il parvint � retrouver son �quilibre, et il �vita une chute qui lui e�t brutalement prouv� que la distance n'�tait pas un vain mot. Puis le discours de l'entra�nant orateur reprit son cours.

�Mes amis, dit Michel Ardan, je pense que cette question est maintenant r�solue. Si je ne vous ai pas convaincus tous, c'est que j'ai �t� timide dans mes d�monstrations, faible dans mes arguments, et il faut en accuser l'insuffisance de mes �tudes th�oriques. Quoi qu'il en soit, je vous le r�p�te, la distance de la Terre � son satellite est r�ellement peu importante et indigne de pr�occuper un esprit s�rieux. Je ne crois donc pas trop m'avancer en disant qu'on �tablira prochainement des trains de projectiles, dans lesquels se fera commod�ment le voyage de la Terre � la Lune. Il n'y aura ni choc, ni secousse, ni d�raillement � craindre, et l'on atteindra le but rapidement, sans fatigue, en ligne droite, �� vol d'abeille,� pour parler le 112 langage de vos trappeurs. Avant vingt ans, la moiti� de la Terre aura visit� la Lune!

Le Meeting (p. 108).

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�Hurrah! hurrah! pour Michel Ardan! s'�cri�rent les assistants, m�me les moins convaincus.

—Hurrah pour Barbicane!� r�pondit modestement l'orateur.

Cet acte de reconnaissance envers le promoteur de l'entreprise fut accueilli par d'unanimes applaudissements.

�Maintenant, mes amis, reprit Michel Ardan, si vous avez quelque question � m'adresser, vous embarrasserez �videmment un pauvre homme comme moi, mais je t�cherai cependant de vous r�pondre.�

Jusqu'ici, le pr�sident du Gun-Club avait lieu d'�tre tr�s-satisfait de la tournure 113 que prenait la discussion. Elle portait sur ces th�ories sp�culatives dans lesquelles Michel Ardan, entra�n� par sa vive imagination, se montrait fort brillant. Il fallait donc l'emp�cher de d�vier vers les questions pratiques, dont il se f�t moins bien tir�, sans doute. Barbicane se h�ta de prendre la parole, et il demanda � son nouvel ami s'il pensait que la Lune ou les plan�tes fussent habit�es.

Les trains de projectiles pour la Lune (p. 111).

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�C'est un grand probl�me que tu me poses l�, mon digne pr�sident, r�pondit l'orateur en souriant; cependant, si je ne me trompe, des hommes de grande intelligence, Plutarque, Swedenborg, Bernardin de Saint-Pierre et beaucoup d'autres se sont prononc�s pour l'affirmative. En me pla�ant au point de vue de la philosophie naturelle, je serais port� � penser 114 comme eux; je me dirais que rien d'inutile n'existe en ce monde, et r�pondant � ta question par une autre question, ami Barbicane, j'affirmerais que si les mondes sont habitables, ou ils sont habit�s, ou ils l'ont �t�, ou ils le seront.

—Tr�s-bien! s'�cri�rent les premiers rangs des spectateurs, dont l'opinion avait force de loi pour les derniers.

—On ne peut r�pondre avec plus de logique et de justesse, dit le pr�sident du Gun-Club. La question revient donc � celle-ci:—Les mondes sont-ils habitables?—Je le crois, pour ma part.

—Et moi, j'en suis certain, r�pondit Michel Ardan.

—Cependant, r�pliqua l'un des assistants, il y a des arguments contre l'habitabilit� des mondes. Il faudrait �videmment dans la plupart que les principes de la vie fussent modifi�s. Ainsi pour ne parler que des plan�tes, on doit �tre br�l� dans les unes et gel� dans les autres, suivant qu'elles sont plus ou moins �loign�es du soleil.

—Je regrette, r�pondit Michel Ardan, de ne pas conna�tre personnellement mon honorable contradicteur, car j'essayerais de lui r�pondre. Son objection a sa valeur, mais je crois qu'on peut la combattre avec quelque succ�s, ainsi que toutes celles dont l'habitabilit� des mondes a �t� l'objet. Si j'�tais physicien, je dirais que, s'il y a moins de calorique mis en mouvement dans les plan�tes voisines du soleil, et plus, au contraire, dans les plan�tes �loign�es, ce simple ph�nom�ne suffit pour �quilibrer la chaleur et rendre la temp�rature de ces mondes supportable � des �tres organis�s comme nous le sommes. Si j'�tais naturaliste, je lui dirais, apr�s beaucoup de savants illustres, que la nature nous fournit sur la terre des exemples d'animaux vivant dans des conditions bien diverses d'habitabilit�; que les poissons respirent dans un milieu mortel aux autres animaux; que les amphibies ont une double existence assez difficile � expliquer; que certains habitants des mers se maintiennent dans les couches d'une grande profondeur et y supportent sans �tre �cras�s des pressions de cinquante ou soixante atmosph�res; que divers insectes aquatiques, insensibles � la temp�rature, se rencontrent � la fois dans les sources d'eau bouillante et dans les plaines glac�es de l'Oc�an polaire; enfin, qu'il faut reconna�tre � la nature une diversit� dans ses moyens d'action souvent incompr�hensible, mais non moins r�elle, et qui va jusqu'� la toute-puissance. Si j'�tais chimiste, je lui dirais que les a�rolithes, ces corps �videmment form�s en dehors du monde terrestre, ont r�v�l� � l'analyse des traces indiscutables de carbone, que cette substance ne doit son origine qu'� des �tres organis�s, et que, d'apr�s les exp�riences de Reichenbach, elle a d� �tre n�cessairement �animalis�e.� Enfin, si j'�tais th�ologien, je lui dirais que la 115 R�demption divine semble, suivant saint Paul, s'�tre appliqu�e non-seulement � la Terre, mais � tous les mondes c�lestes. Mais je ne suis ni th�ologien, ni chimiste, ni naturaliste, ni physicien. Aussi, dans ma parfaite ignorance des grandes lois qui r�gissent l'univers, je me borne � r�pondre:—Je ne sais pas si les mondes sont habit�s, et comme je ne le sais pas, je vais y voir!�

L'adversaire des th�ories de Michel Ardan hasarda-t-il d'autres arguments? Il est impossible de le dire, car les cris fr�n�tiques de la foule eussent emp�ch� toute opinion de se faire jour. Lorsque le silence se fut r�tabli jusque dans les groupes les plus �loign�s, le triomphant orateur se contenta d'ajouter les consid�rations suivantes:

�Vous pensez bien, mes braves Yankees, qu'une si grande question est � peine effleur�e par moi; je ne viens point vous faire ici un cours public et soutenir une th�se sur ce vaste sujet. Il y a toute une autre s�rie d'arguments en faveur de l'habitabilit� des mondes. Je la laisse de c�t�. Permettez-moi seulement d'insister sur un point. Aux gens qui soutiennent que les plan�tes ne sont pas habit�es, il faut r�pondre:—Vous pouvez avoir raison, s'il est d�montr� que la Terre est le meilleur des mondes possible, mais cela n'est pas, quoi qu'en ait dit Voltaire. Elle n'a qu'un satellite, quand Jupiter, Uranus, Saturne, Neptune en ont plusieurs � leur service, avantage qui n'est point � d�daigner. Mais ce qui rend surtout notre globe peu confortable, c'est l'inclinaison de son axe sur son orbite. De l� l'in�galit� des jours et des nuits; de l� cette diversit� f�cheuse des saisons. Sur notre malheureux sph�ro�de, il fait toujours trop chaud ou trop froid; on y g�le en hiver, on y br�le en �t�; c'est la plan�te aux rhumes, aux coryzas et aux fluxions de poitrine, tandis qu'� la surface de Jupiter, par exemple, o� l'axe est tr�s-peu inclin�[85], les habitants pourraient jouir de temp�ratures invariables; il y a la zone des printemps, la zone des �t�s, la zone des automnes et la zone des hivers perp�tuels; chaque Jovien peut choisir le climat qui lui pla�t et se mettre pour toute sa vie � l'abri des variations de la temp�rature. Vous conviendrez sans peine de cette sup�riorit� de Jupiter sur notre plan�te, sans parler de ses ann�es, qui durent douze ans chacune! De plus, il est �vident pour moi que, sous ces auspices et dans ces conditions merveilleuses d'existence, les habitants de ce monde fortun� sont des �tres sup�rieurs, que les savants y sont plus savants, que les artistes y sont plus artistes, que les

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