Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique by Albert Robida (inspirational books for students .txt) 📗
- Author: Albert Robida
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�Mais enfin, mon cher, dit-il, j'ai eu beau chauffer et surchauffer ton cerveau pour faire de toi ce que moi, Philox�ne Lorris, j'�tais en droit d'attendre et de r�clamer, c'est-�-dire un produit de haute culture, un Lorris sup�rieur, affin�, perfectionn�, voil� tout ce que tu m'offres pour fils � moi: un Georges Lorris, gentil gar�on, j'en conviens, intelligent, je ne dis pas le contraire, mais voil� tout... simple lieutenant d'artillerie chimique �... Quel �ge as-tu?
—Vingt-sept ans, h�las! r�pondit Georges avec un sourire en se tournant vers la plaque du t�l�phonoscope.
—Je ne ris pas, t�che un peu d'�tre s�rieux, fit avec vivacit� Philox�ne Lorris en tirant avec �nergie quelques bouff�es de son cigare.
—Ton cigare est �teint, dit le fils; je ne t'offre pas d'allumettes, tu es trop loin...
—Enfin, reprit le p�re, � ton �ge, j'avais d�j� lanc� mes premi�res grandes affaires, j'�tais d�j� le fameux Philox Lorris, et toi, tu te contentes d'�tre un fils � papa, tu te laisses tranquillement couler au fil de la vie... Qu'es-tu par toi-m�me? Laur�at de rien du tout, sorti des grandes �coles dans les num�ros modestes et, pour le quart d'heure, simple lieutenant dans l'artillerie chimique...
—H�las! voil� tout, fit le jeune homme, pendant que son p�re, dans la plaque du t�l�phonoscope, tournait rageusement le dos et s'en allait au bout de sa chambre; mais est-ce ma faute si tu as tout d�couvert ou invent�, et tout arrang�?... je suis venu trop tard dans un monde trop bien outill�, trop bien machin�, tu ne nous as rien laiss� � trouver, � nous autres!
—Allons donc! Nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements de la science, le si�cle prochain se moquera de nous... Mais ne nous �garons pas... Georges, mon gar�on, j'en suis d�sol�, mais, tel que te voil�, tu ne me parais gu�re pr�par� � reprendre, maintenant que tes ann�es de service obligatoire sont faites, la suite de mes travaux, c'est-�-dire � diriger mon grand laboratoire, le laboratoire Philox Lorris, � la r�putation universelle, et les deux cents usines ou entreprises qui exploitent mes d�couvertes.
—Veux-tu donc te retirer des affaires?
—Jamais! s'�cria le p�re avec �nergie, mais j'entendais t'associer s�rieusement � mes travaux, marcher avec toi � la d�couverte, chercher avec toi, creuser, trouver... Qu'est-ce que j'ai fait aupr�s de ce que je voudrais faire si j'avais deux moi pour penser et agir... Mais, mon bon ami, tu ne peux pas �tre ce second moi... C'est d�plorable!... H�las! je ne me suis pas pr�occup� jadis des influences ataviques, je ne me suis pas suffisamment renseign� jadis!... O jeunesse! Moi, no 1 d'International scientific industrie Institut, j'ai �t� l�ger! Car, mon pauvre gar�on, je suis oblig� d'avouer que ce n'est pas tout � fait ta faute si tu n'as point la cervelle suffisamment scientifique; c'est parbleu bien la faute de ta m�re... ou plut�t d'un anc�tre de ta m�re... J'ai fait mon enqu�te un peu tard, j'en conviens, et c'est l� que je suis coupable. J'ai fait mon enqu�te et j'ai d�couvert dans la famille de ta m�re...
—Quoi donc? dit Georges Lorris intrigu�.
—A trois g�n�rations seulement en arri�re... une mauvaise note, un vice, une tare...
—Une tare?
—Oui, son arri�re-grand-p�re, c'est-�-dire ton trisa�eul � toi, fut, il y a 115 ans, vers 1840, un...
—Un quoi? Que vas-tu m'apprendre? Tu me fais peur!
—Un artiste!� fit piteusement Philox Lorris en tombant dans un fauteuil.
Georges Lorris ne put s'emp�cher de rire avec irr�v�rence, et, devant ce rire, son p�re bondit furieusement dans le t�l�phonoscope.
�Oui! un artiste! s'�cria-t-il, et encore un artiste id�aliste, n�buleux, romantique, comme ils disaient alors, un r�veur, un futiliste, un �plucheur de fadaises!... Tu penses bien que je me suis renseign�... Pour conna�tre toute l'�tendue de mon malheur, j'ai consult� nos grands artistes actuels, les photo-peintres de l'Institut... Je sais ce qu'il �tait, ton trisa�eul! N'aie pas peur, il n'aurait pas invent� la trigonom�trie, ton trisa�eul!... Il n'eut � sa disposition qu'une cervelle l�g�re et vaporeuse �videmment, comme la tienne, d�pourvue des circonvolutions s�rieuses, comme la tienne, car c'est de lui que tu tiens cette inaptitude aux sciences positives que je te reproche. O atavisme! voil� de tes coups! Comment annihiler l'influence de ce trisa�eul qui revit en toi? Comment le tuer, ce sc�l�rat? Car tu penses bien que je vais lutter et le tuer...
—Comment tuer un trisa�eul mort depuis plus de cent ans? fit Georges Lorris en souriant; tu sais que je vais d�fendre mon anc�tre, pour lequel je ne professe pas le m�me superbe d�dain que toi...
—Je veux le d�truire, moralement bien entendu, puisque le sc�l�rat qui vient ruiner mes plans est hors de ma port�e; mais je veux combattre son influence malheureuse et la dominer... Tu penses bien, mon gar�on, que je ne vais pas t'abandonner, pauvre enfant plus malchanceux que coupable, abandonner ma race!... Certes non!... Je ne puis pas te refaire, h�las! je ne peux pas te remettre, comme j'y avais song�, pour cinq ou six ans, � Intensive scientific Institut...
—Merci, fit Georges avec effroi, j'aime mieux autre chose...
—J'ai autre chose, et mieux, car tu ne sortirais pas beaucoup plus fort...
—Voyons ce meilleur plan?
—Voici! Je te marie! Je nous sauve par le mariage!
—Le mariage! s'�cria Georges stup�fait.
—Attends! un mariage �tudi�, raisonn�, o� j'aurai mis toutes les chances de notre c�t�! Il me faut quatre petits-enfants, de sexe quelconque—gar�ons si possible, j'aimerais mieux—enfin, quatre rejetons de l'arbre Philox-Lorris: un chimiste, un naturaliste, un m�decin, un m�canicien, qui se compl�teront l'un par l'autre et perp�tueront la dynastie scientifique Philox-Lorris... Je consid�re la g�n�ration interm�diaire comme rat�e...
—Merci!
—Absolument rat�e! C'est une non-valeur, un rest� pour compte. Je laisse donc de c�t� cette g�n�ration interm�diaire, et je m'arrange pour durer jusqu'au moment de passer la main � mes petits-enfants. Voil� mon plan! Je vais donc te marier...
—Peut-on savoir avec qui?
—�a ne te regarde pas. Je ne sais pas encore moi-m�me. Il me faut une vraie cervelle scientifique, assez m�re, autant que possible, pour avoir la t�te d�barrass�e de toute id�e futile!...�
Georges se disposait � r�pondre lorsque se produisit la premi�re secousse �lectrique due � l'accident du r�servoir 17. Georges tomba dans son fauteuil et leva vivement les jambes pour �viter le contact du plancher qui transmettait de nouvelles secousses. Son p�re n'avait pas bronch�.
��cervel�! lui cria-t-il, tu n'as pas tes semelles isolatrices et tu �volues comme cela dans une maison o� l'�lectricit� court partout dans un r�seau de fils entre-crois�s et circule comme le sang dans les veines d'un homme!... Mets-les donc et fais attention. C'est une fuite qui vient de se produire quelque part, et l'on ne sait pas jusqu'o� peuvent aller les accidents... Allons, je n'ai pas le temps, je te laisse; d'ailleurs, voil� nos communications embrouill�es...�
En effet, l'image tr�s nette dans la plaque du T�l� s'affaiblissait soudain, ses contours se perdaient dans le vague, et bient�t ce ne fut plus qu'une s�rie de taches tremblotantes et confuses.
Le courant fou.—Le d�sastre de l'A�ronautic-Club de Touraine.—O� l'on fait t�l�phonoscopiquement connaissance avec la famille Lacombe, des Phares alpins.
La tournade �tait dans son plein; les accidents caus�s par la terrible puissance du courant fou, par ces effroyables forces naturelles emmagasin�es, concentr�es et mesur�es par l'homme, �chapp�es soudain � sa main directrice, libres maintenant de tout frein, se multipliaient sur une r�gion repr�sentant � peu pr�s le cinqui�me de l'Europe. Depuis une heure, toutes les communications �lectriques se trouvant coup�es, on peut juger de la perturbation apport�e � la marche du monde et aux affaires. La circulation a�rienne �tait �galement interrompue, le ciel s'�tait vid� presque instantan�ment de tout v�hicule a�rien, l'ouragan avait le champ libre pour d�rouler dans l'atmosph�re ses spirales dangereuses. Mais, bien qu'au premier signal de leurs �lectrom�tres toutes les a�ronefs se fussent gar�es au plus vite, quelques sinistres s'�taient produits. Plusieurs a�rocabs rencontr�s par la trombe au moment o� elle fusait du r�servoir furent litt�ralement pulv�ris�s au-dessus de Lyon; il n'en tomba point miette sur le sol et des a�ronefs surprises �� et l� sans avoir eu le temps de s'envelopper d'un nuage de gaz isolateur, dont le r�le est analogue � celui de l'huile dans les temp�tes maritimes, s'abattirent d�sempar�es avec leur personnel tu� ou bless�.
Le plus terrible sinistre eut lieu entre Orl�ans et Tours. L'A�ronautic-Club de Touraine donnait, ce jour-l�, ses grandes r�gates annuelles. Mille ou douze cents v�hicules a�riens, de toutes formes et de toutes dimensions, suivaient avec int�r�t les p�rip�ties de la grande course du prix d'honneur, o� vingt-huit a�rofl�ches se trouvaient engag�es. Tous les regards suivant les coureurs, dans la plupart des v�hicules on ne s'aper�ut pas que l'aiguille de l'�lectrom�tre s'�tait mise � tourner follement, et, parmi les hourras et les cris des parieurs, on n'entendit m�me pas la sonnerie d'alarme.
Quand on vit le danger, il y eut dans la foule des a�ronefs une bousculade fantastique pour chercher un abri � terre. Le millier de v�hicules s'abattit � toute vitesse en une masse confuse et enchev�tr�e o� les accidents d'abordage furent nombreux et souvent graves. La tournade, arrivant en foudre, balaya tout ce qui n'eut pas le temps de fuir; il y eut des a�ronefs d�sempar�es, emport�es dans le tourbillon et pr�cipit�es en quelques secondes � cinquante lieues de l�; par bonheur, dans ce d�sastre, les grandes a�ronefs portant les membres de l'A�ronautic-Club et leurs familles �taient pourvues du nouvel appareil r�unissant l'�lectrom�tre et les tubes de gaz isolateur � une soupape automatique; l'appareil s'ouvrit de lui-m�me d�s que l'aiguille marqua danger et les a�ronefs, envelopp�es dans un nuage protecteur, fortement secou�es seulement, purent regagner l'embarcad�re du club.
Si nous revenons � Paris, � l'h�tel Philox Lorris, nous trouvons, au �plein� de la tournade, le quartier de Sannois dans un d�sarroi facile � imaginer: de terrifiants �clairs jaillissent de partout et, dans le lointain, roulent d'effroyables explosions qui vont se r�percutant encore d'�cho en �cho, s'affaiblissant peu � peu, pour revenir soudain et �clater avec plus de violence.
Georges Lorris, en chaussons et gantelets isolateurs, regarde de la fen�tre de sa chambre le spectacle du ciel convuls�. Il n'y a rien � faire qu'� attendre, dans une prudente inaction, que le courant fou soit capt�.
Tout � coup, apr�s un crescendo de d�charges �lectriques et de roulements accompagn�s d'�clairs prodigieux, en nappe et en zigzags, la nature sembla pousser comme un immense soupir de soulagement, et le calme se fit instantan�ment. Les h�ro�ques ing�nieurs et employ�s du poste 28, � Amiens, venaient de r�ussir � crever la tournade et � canaliser le courant fou. Le sous-ing�nieur en chef et treize hommes succombaient victimes de leur d�vouement, mais tout �tait fini, on n'avait plus de d�sastres � craindre.
Le danger avait disparu, mais non les derni�res traces de la grande perturbation. Sur la plaque du t�l�phonoscope de Georges Lorris, comme sur tous les T�l�s de la r�gion, pass�rent avec une fabuleuse vitesse des milliers d'images confuses et des sons apport�s de partout remplirent les maisons de rumeurs semblables au rugissement d'une nouvelle et plus farouche temp�te. Il est facile de se figurer cette assourdissante rumeur, ce sont les bruits de la vie sur une surface de 1,600 lieues carr�es, les bruits recueillis partout par l'ensemble des appareils, condens�s en un bruit g�n�ral, report�s et rendus en bloc par chacun de ces appareils avec une intensit� effroyable!
Au cours de la tournade, quelques graves d�sordres s'�taient naturellement produits au poste central des T�l�s; sur les lignes, des fils avaient �t� fondus et amalgam�s. Ces petits accidents ne font courir aucun danger � personne, � condition, bien entendu, que l'on ne touche pas aux appareils. Georges Lorris, ayant pris un livre � illustrations photographiques, s'installa patiemment dans un fauteuil pour laisser finir la crise des T�l�s. Ce ne fut pas long. Au bout de vingt minutes, la rumeur s'�teignit subitement. Le bureau central venait d'�tablir un fil de fuite; mais, en attendant que les avaries fussent r�par�es, ce qui allait demander encore au moins deux ou trois heures de travaux, chaque appareil recevait au hasard une communication quelconque qui ne pouvait s'interrompre avant que tout f�t remis en ordre.
Et, dans la plaque du T�l�, les figures,
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