Voyage au Centre de la Terre by Jules Verne (the mitten read aloud txt) 📗
- Author: Jules Verne
Book online «Voyage au Centre de la Terre by Jules Verne (the mitten read aloud txt) 📗». Author Jules Verne
Ma foi, faute de réplique, j'allais me prosterner, genre de réponse qui doit plaire aux dieux comme aux rois, car elle a l'avantage de ne jamais les embarrasser, quand un incident vint détourner le cours de la conversation.
Ce fut l'apparition d'un parchemin crasseux qui glissa du bouquin et tomba à terre.
Mon oncle se précipita sur ce brimborion avec une avidité facile à comprendra. Un vieux document, enfermé peut-être depuis un temps immémorial dans un vieux livre, ne pouvait manquer d'avoir un haut prix à ses yeux.
«Qu'est-ce que cela?» s'écria-t-il.
Et, en même temps, il déployait soigneusement sur sa table un morceau de parchemin long de cinq pouces, large de trois, et sur lequel s'allongeaient, en lignes transversales, des caractères de grimoire.
En voici le fac-similé exact. Je tiens à faire connaître ces signes bizarres, car ils amenèrent le professeur Lidenbrock et son neveu à entreprendre la plus étrange expédition du dix-neuvième siècle:
EF . E6 B3 DA DA BC C5 BC E6 C5 A2 C5 DA BC C5 C5 B4 C1 A6 C5 BC CE CF BC BC D8 A0 A2 B3 CF C5 C1 C5 A0 B3 C1 C5 A6 E6 B4 C5 B4 CF , BC D0 D8 B3 D0 CF E6 D0 CF C5_BC_ _BC_D0 AD A6 E6 E6 B3 C5 D8 CF B3 D0 C5_C1_ B3 A2 D0 C5 B4 CF E6 E6 C1 DA_BC_D0 _D0_CF A2 D0 D0 E6 . B3 BC B4 E6 B4 C1 C5 D0 D0 B2 BC B4 B4 A6 E6 D8 C1 C5 C5 A2 CF A2 DA A0 E6 D0 B3 CF A2 A6 CF , C1 D0 B4 AD BC C5 C1 B2 AD _B4_C5 A6 C1 C1_E6_Le professeur considéra pendant quelques instants cette série de caractères; puis il dit en relevant ses lunettes:
«C'est du runique; ces types sont absolument identiques à ceux du manuscrit de Snorre Turleson! Mais… qu'est-ce que cela peut signifier?»
Comme le runique me paraissait être une invention de savants pour mystifier le pauvre monde, je ne fus pas fâché de voir que mon oncle n'y comprenait rien. Du moins, cela me sembla ainsi au mouvement de ses doigts qui commençaient à s'agiter terriblement.
«C'est pourtant du vieil islandais!» murmurait-il entre ses dents.
Et le professeur Lidenbrock devait bien s'y connaître, car il passait pour être un véritable polyglotte. Non pas qu'il parlât couramment les deux mille langues et les quatre mille idiomes employés à la surface du globe, mais enfin il en savait sa bonne part.
Il allait donc, en présence de cette difficulté, se livrer à toute l'impétuosité de son caractère, et je prévoyais une scène violente, quand deux heures sonnèrent au petit cartel de la cheminée.
Aussitôt la bonne Marthe ouvrit la porte du cabinet en disant:
«La soupe est servie.
—Au diable la soupe, s'écria mon oncle, et celle qui l'a faite, et ceux qui la mangeront!»
Marthe s'enfuit; je volai sur ses pas, et, sans savoir comment, je me trouvai assis à ma place habituelle dans la salle à manger.
J'attendis quelques instants. Le professeur ne vint pas. C'était la première fois, à ma connaissance, qu'il manquait à la solennité du dîner. Et quel dîner, cependant! une soupe au persil, une omelette au jambon relevée d'oseille à la muscade, une longe de veau à la compote de prunes, et, pour dessert, des crevettes au sucre, le tout arrosé d'un joli vin de la Moselle.
Voilà ce qu'un vieux papier allait coûter à mon oncle. Ma foi, en qualité de neveu dévoué, je me crûs obligé de manger pour lui, et même pour moi. Ce que je fis en conscience.
«Je n'ai jamais vu chose pareille! disait la bonne Marthe en servant. M. Lidenbrock qui n'est pas à table!
—C'est à ne pas le croire.
—Cela présage quelque événement grave!» reprenait la vieille servante en hochant la tête.
Dans mon opinion, cela ne présageait rien, sinon une scène épouvantable, quand mon oncle trouverait son dîner dévoré.
J'en étais à ma dernière crevette, lorsqu'une voix retentissante m'arracha aux voluptés du dessert. Je ne fis qu'un bond de la salle dans le cabinet.
III«C'est évidemment du runique, disait le professeur en fronçant le sourcil. Mais il y a un secret, et je le découvrirai, sinon…»
Un geste violent acheva sa pensée.
«Mets-toi là, ajouta-t-il en m'indiquant la table du poing, et écris.»
En un instant je fus prêt.
«Maintenant, je vais te dicter chaque lettre de notre alphabet qui correspond à l'un de ces caractères islandais. Nous verrons ce que cela donnera. Mais, par saint Michel! garde-toi bien de te tromper!»
La dictée commença. Je m'appliquai de mon mieux; chaque lettre fut appelée l'une après l'autre, et forma l'incompréhensible succession des mots suivants:
mm . r n l l s e s r e u e l s e e c J d e s g t s s m f u n t e i e f n i e d r k e k t , s a m n a t r a t e S S a o d r r n e m t n a e I n u a e c t r r i l S a A t u a a r . n s c r c i e a a b s c c d r m i e e u t u l f r a n t u d t , i a c o s e i b o K e d i i Y
Quand ce travail fut terminé, mon oncle prit vivement la feuille sur laquelle je venais d'écrire, et il l'examina longtemps avec attention.
«Qu'est-ce que cela veut dire?» répétait-il machinalement.
Sur l'honneur, je n'aurais pas pu le lui apprendre. D'ailleurs il ne m'interrogea pas à cet égard, et il continua de se parler à lui-même:
«C'est ce que nous appelons un cryptogramme, disait-il, dans lequel le sens est caché sous des lettres brouillées à dessein, et qui, convenablement disposées, formeraient une phrase intelligible! Quand je pense qu'il y a là peut-être l'explication ou l'indication d'une grande découverte!»
Pour mon compte, je pensais qu'il n'y avait absolument rien, mais je gardai prudemment mon opinion.
Le professeur prit alors le livre et le parchemin, et les compara tous les deux.
«Ces deux écritures ne sont pas de la même main, dit-il; le cryptogramme est postérieur au livre, et j'en vois tout d'abord une preuve irréfragable. En effet, la première lettre est une double M qu'on chercherait, vainement dans le livre de Turleson, car elle ne fut ajoutée à l'alphabet islandais qu'au quatorzième siècle. Ainsi donc, il y a au moins deux cents ans entre le manuscrit et le document.»
Cela j'en conviens, me parut assez logique.
«Je suis donc conduit à penser, reprit mon oncle, que l'un des possesseurs de ce livre aura tracé ces caractères mystérieux. Mais qui diable était ce possesseur? N'aurait-il point mis son nom à quelque endroit de ce manuscrit?»
Mon oncle releva ses lunettes, prit une forte loupe, et passa soigneusement en revue les premières pages du livre. Au verso de la seconde, celle du faux titre, il découvrit une sorte de macule, qui faisait à l'oeil l'effet d'une tache d'encre. Cependant, en y regardant de près, on distinguait quelques caractères à demi effacés. Mon oncle comprit que là était le point intéressant; il s'acharna donc sur la macule et, sa grosse loupe aidant, il finit par reconnaître les signes que voici, caractères runiques qu'il lut sans hésiter:
D0 E6 B3 C5 BC D0 B4 B3 A2 BC BC C5 EF«Arne Saknussem! s'écria-t-il d'un ton triomphant, mais c'est un nom cela, et un nom islandais encore! celui d'un savant du seizième siècle, d'un alchimiste célèbre!»
Je regardai mon oncle avec une certaine admiration.
«Ces alchimistes, reprit-il, Avicenne, Bacon, Lulle, Paracelse, étaient les véritables, les seuls savants de leur époque. Ils ont fait des découvertes dont nous avons le droit d'être étonnés. Pourquoi, ce Saknussemm n'aurait-il pas enfoui sous cet incompréhensible cryptogramme quelque surprenante invention? Cela doit être ainsi. Cela est.»
L'imagination du professeur s'enflammait à cette hypothèse.
«Sans doute, osai-je répondre, mais quel intérêt pouvait avoir ce savant à cacher ainsi quelque merveilleuse découverte?
—Pourquoi? pourquoi? Eh! le sais-je? Galilée n'en a-t-il pas agi ainsi pour Saturne? D'ailleurs, nous verrons bien; j'aurai le secret de ce document, et je ne prendrai ni nourriture ni sommeil avant de l'avoir deviné.
—Oh! pensai-je.
—Ni toi, non plus, Axel, reprit-il.
—Diable! me dis-je, il est heureux que j'aie dîné pour deux!
—Et d'abord, fit mon oncle, il faut trouver la langue de ce «chiffre.» Cela ne doit pas être difficile.»
A ces mots, je relevai vivement la tête. Mon oncle reprit son soliloque:
«Rien n'est plus aisé. Il y a dans ce document cent trente-deux lettres qui donnent soixante-dix-neuf consonnes contre cinquante-trois voyelles. Or, c'est à peu près suivant cette proportion que sont formés les mots des langues méridionales, tandis que les idiomes du nord sont infiniment plus riches en consonnes. Il s'agit donc d'une langue du midi.»
Ces conclusions étaient fort justes.
«Mais quelle est cette langue?»
C'est là que j'attendais mon savant, chez lequel cependant je découvrais un profond analyste.
«Ce Saknussemm, reprit-il, était un homme instruit; or, dès qu'il n'écrivait pas dans sa langue maternelle, il devait choisir de préférence la langue courante entre les esprits cultivés du seizième siècle, je veux dire le latin. Si je me trompe, je pourrai essayer de l'espagnol, du français, de l'italien, du grec, de l'hébreu. Mais les savants du seizième siècle écrivaient généralement en latin. J'ai donc le droit de dire à priori: ceci est du latin.»
Je sautai sur ma chaise. Mes souvenirs de latiniste se révoltaient contre la prétention que cette suite de mots baroques pût appartenir à la douce langue de Virgile.
«Oui! du latin, reprit mon oncle, mais du latin brouillé.
—A la bonne heure! pensai-je. Si tu le débrouilles, tu seras fin, mon oncle.
—Examinons bien, dit-il, en reprenant la feuille sur laquelle j'avais écrit. Voilà une série de cent trente-deux lettres qui se présentent sous un désordre apparent. Il y a des mots où les consonnes se rencontrent seules comme le premier «mrnlls,» d'autres où les voyelles, au contraire, abondent, le cinquième, par exemple, «unteief,» ou l'avant-dernier «oseibo.» Or, cette disposition n'a évidemment pas été combinée; elle est donnée mathématiquement par la raison inconnue qui a présidé à la succession de ces lettres. Il me parait certain que la phrase primitive a été écrite régulièrement, puis retournée suivant une loi qu'il faut découvrir. Celui qui posséderait la clef de ce «chiffre» le lirait couramment. Mais quelle est cette clef? Axel, as-tu cette clef?»
A cette question je ne répondis rien, et pour cause. Mes regards s'étaient arrêtés sur un charmant portrait suspendu au mur, le portrait de Graüben. La pupille de mon oncle se trouvait alors à Altona, chez une de ses parentes, et son, absence me rendait fort triste, car, je puis l'avouer maintenant, la jolie Virlandaise et le neveu du professeur s'aimaient avec toute la patience et toute la tranquillité allemandes; nous nous étions fiancés à
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