De la terre à la lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes by Jules Verne (i read book txt) 📗
- Author: Jules Verne
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Mais un ph�nom�ne impr�vu, quoique facile � pr�voir, et contre lequel on ne pouvait rien, vint bient�t mettre l'impatience publique � une rude �preuve.
Le temps, si beau jusqu'alors, changea subitement; le ciel assombri se couvrit de nuages. Pouvait-il en �tre autrement, apr�s le terrible d�placement des couches atmosph�riques et cette dispersion de l'�norme quantit� de vapeurs qui provenaient de la d�flagration de quatre cent mille livres de pyroxyle? Tout l'ordre naturel avait �t� troubl�. Cela ne saurait �tonner, puisque, dans les combats sur mer, on a souvent vu l'�tat atmosph�rique brusquement modifi� par les d�charges de l'artillerie.
Le lendemain, le soleil se leva sur un horizon charg� de nuages �pais, lourd et imp�n�trable rideau jet� entre le ciel et la terre, et qui, malheureusement, s'�tendit jusqu'aux r�gions des montagnes Rocheuses. Ce fut une fatalit�. Un concert de r�clamations s'�leva de toutes les parties du globe. Mais la nature s'en �mut peu, et d�cid�ment, puisque les hommes avaient troubl� l'atmosph�re par leur d�tonation, ils devaient en subir les cons�quences.
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Pendant cette premi�re journ�e, chacun chercha � p�n�trer le voile opaque des nuages, mais chacun en fut pour ses peines, et chacun d'ailleurs se trompait en portant ses regards vers le ciel, car, par suite du mouvement diurne du globe, le projectile filait n�cessairement alors par la ligne des antipodes.
Quoi qu'il en soit, lorsque la nuit vint envelopper la Terre, nuit imp�n�trable et profonde, quand la Lune fut remont�e sur l'horizon, il fut impossible de l'apercevoir; on e�t dit qu'elle se d�robait � dessein aux regards des t�m�raires qui avaient tir� sur elle. Il n'y eut donc pas d'observation possible, et les d�p�ches de Longs'-Peak confirm�rent ce f�cheux contre-temps.
Cependant, si l'exp�rience avait r�ussi, les voyageurs, partis le 1er d�cembre � dix heures quarante-six minutes et quarante secondes du soir, devaient arriver le 4 � minuit. Donc, jusqu'� cette �poque, et comme apr�s tout il e�t �t� bien difficile d'observer dans ces conditions un corps aussi petit que l'obus, on prit patience sans trop crier.
Le 4 d�cembre, de huit heures du soir � minuit, il e�t �t� possible de suivre la trace du projectile, qui aurait apparu comme un point noir sur le disque �clatant de la Lune. Mais le temps demeura impitoyablement couvert, ce qui porta au paroxysme l'exasp�ration publique. On en vint � injurier la Lune qui ne se montrait point. Triste retour des choses d'ici-bas!
J.-T. Maston, d�sesp�r�, partit pour Long's-Peak. Il voulait observer lui-m�me. Il ne mettait pas en doute que ses amis ne fussent arriv�s au terme de leur voyage. On n'avait pas, d'ailleurs, entendu dire que le projectile f�t retomb� sur un point quelconque des �les et des continents terrestres, et J.-T. Maston n'admettait pas un instant une chute possible dans les oc�ans dont le globe est aux trois quarts couvert.
Le 5, m�me temps. Les grands t�lescopes du vieux monde, ceux d'Herschel, de Rosse, de Foucault, �taient invariablement braqu�s sur l'astre des nuits, car le temps �tait pr�cis�ment magnifique en Europe; mais la faiblesse relative de ces instruments emp�chait toute observation utile.
Le 6, m�me temps. L'impatience rongeait les trois quarts du globe. On en vint � proposer les moyens les plus insens�s pour dissiper les nuages accumul�s dans l'air.
Le 7, le ciel sembla se modifier un peu. On esp�ra, mais l'espoir ne fut pas de longue dur�e, et le soir, les nuages �paissis d�fendirent la vo�te �toil�e contre tous les regards.
Alors cela devint grave. En effet, le 11, � neuf heures onze minutes du matin, la Lune devait entrer dans son dernier quartier. Apr�s ce d�lai, elle irait en d�clinant, et, quand m�me le ciel serait rass�r�n�, les chances 166 de l'observation seraient singuli�rement amoindries; en effet, la Lune ne montrerait plus alors qu'une portion toujours d�croissante de son disque et finirait par devenir nouvelle, c'est-�-dire qu'elle se coucherait et se l�verait avec le soleil, dont les rayons la rendraient absolument invisible. Il faudrait donc attendre jusqu'au 3 janvier, � midi quarante-quatre minutes, pour la retrouver pleine et commencer les observations.
Les journaux publiaient ces r�flexions avec mille commentaires et ne dissimulaient point au public qu'il devait s'armer d'une patience ang�lique.
Le 8, rien. Le 9, le soleil reparut un instant comme pour narguer les Am�ricains. Il fut couvert de hu�es, et, bless� sans doute d'un pareil accueil, il se montra fort avare de ses rayons.
Le 10, pas de changement. J.-T. Maston faillit devenir fou, et on eut des craintes pour le cerveau de ce digne homme, si bien conserv� jusqu'alors sous son cr�ne de gutta-percha.
Mais le 11, une de ces �pouvantables temp�tes des r�gions intertropicales se d�cha�na dans l'atmosph�re. De grands vents d'est balay�rent les nuages amoncel�s depuis si longtemps, et le soir, le disque � demi rong� de l'astre des nuits passa majestueusement au milieu des limpides constellations du ciel.
CHAPITRE XXVIII UN NOUVEL ASTRE.Cette nuit m�me, la palpitante nouvelle si impatiemment attendue �clata comme un coup de foudre dans les �tats de l'Union, et de l�, s'�lan�ant � travers l'oc�an, elle courut sur tous les fils t�l�graphiques du globe. Le projectile avait �t� aper�u, gr�ce au gigantesque r�flecteur de Long's-Peak.
Voici la note r�dig�e par le directeur de l'observatoire de Cambridge. Elle renferme la conclusion scientifique de cette grande exp�rience du Gun-Club.
�Long's-Peak, 12 d�cembre.
�A MM. les Membres du bureau de l'Observatoire de Cambridge.
�Le projectile lanc� par la Columbiad de Stone's-Hill a �t� aper�u par 167 MM. Belfast et J.-T. Maston, le 12 d�cembre, � huit heures quarante-sept minutes du soir, la Lune �tant entr�e dans son dernier quartier.
�Ce projectile n'est point arriv� � son but. Il a pass� � c�t�, mais assez pr�s, cependant, pour �tre retenu par l'attraction lunaire.
�L�, son mouvement rectiligne s'est chang� en un mouvement circulaire d'une rapidit� vertigineuse, et il a �t� entra�n� suivant une orbite elliptique autour de la Lune, dont il est devenu le v�ritable satellite.
�Les �l�ments de ce nouvel astre n'ont pas encore pu �tre d�termin�s. On ne conna�t ni sa vitesse de translation, ni sa vitesse de rotation. La distance qui le s�pare de la surface de la Lune peut �tre �valu�e � deux mille huit cent trente-trois milles environ (—4,500 lieues).
�Maintenant, deux hypoth�ses peuvent se produire et amener une modification dans l'�tat des choses:
�Ou l'attraction de la Lune finira par l'emporter, et les voyageurs atteindront le but de leur voyage;
�Ou, maintenu dans un ordre immutable, le projectile gravitera autour du disque lunaire jusqu'� la fin des si�cles.
�C'est ce que les observations apprendront un jour, mais jusqu'ici la tentative du Gun-Club n'a eu d'autre r�sultat que de doter d'un nouvel astre notre syst�me solaire.
�J. Belfast.�
Que de questions soulevait ce d�no�ment inattendu! Quelle situation grosse de myst�res l'avenir r�servait aux investigations de la science! Gr�ce au courage et au d�vouement de trois hommes, cette entreprise, assez futile en apparence, d'envoyer un boulet � la Lune, venait d'avoir un r�sultat immense, et dont les cons�quences sont incalculables. Les voyageurs emprisonn�s dans un nouveau satellite, s'ils n'avaient pas atteint leur but, faisaient du moins partie du monde lunaire; ils gravitaient autour de l'astre des nuits, et, pour la premi�re fois, l'œil pouvait en p�n�trer tous les myst�res. Les noms de Nicholl, de Barbicane, de Michel Ardan, devront donc �tre � jamais c�l�bres dans les fastes astronomiques, car ces hardis explorateurs, avides d'agrandir le cercle des connaissances humaines, se sont audacieusement lanc�s � travers l'espace, et ont jou� leur vie dans la plus �trange tentative des temps modernes.
Quoi qu'il en soit, la note de Long's-Peak une fois connue, il y eut dans l'univers entier un sentiment de surprise et d'effroi. �tait-il possible de venir en aide � ces hardis habitants de la Terre? Non, sans doute, car ils s'�taient mis en dehors de l'humanit� en franchissant les limites impos�es par Dieu aux cr�atures terrestres. Ils pouvaient se procurer de l'air 168 pendant deux mois. Ils avaient des vivres pour un an. Mais apr�s?... Les cœurs les plus insensibles palpitaient � cette terrible question.
Un seul homme ne voulait pas admettre que la situation f�t d�sesp�r�e. Un seul avait confiance, et c'�tait leur ami d�vou�, audacieux et r�solu comme eux, le brave J.-T. Maston.
D'ailleurs il ne les perdait pas des yeux. Son domicile fut d�sormais le poste de Long's-Peak, son horizon, le miroir de l'immense r�flecteur. D�s que la lune se levait � l'horizon, il l'encadrait dans le champ du t�lescope, il ne la perdait pas un instant du regard et la suivait assid�ment dans sa marche � travers les espaces stellaires; il observait avec une �ternelle patience le passage du projectile sur son disque d'argent, et v�ritablement 169 le digne homme restait en perp�tuelle communication avec ses trois amis, qu'il ne d�sesp�rait pas de revoir un jour.
�Nous correspondrons avec eux, disait-il � qui voulait l'entendre, d�s que les circonstances le permettront. Nous aurons de leurs nouvelles et ils auront des n�tres! D'ailleurs, je les connais, ce sont des hommes ing�nieux. A eux trois ils emportent dans l'espace toutes les ressources de l'art, de la science et de l'industrie. Avec cela on fait ce qu'on veut, et vous verrez qu'ils se tireront d'affaire!�
FIN DE LA TERRE A LA LUNE.
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TABLE DES CHAPITRES. Pages Chapitre I. Le Gun-Club 1 II. Communication du pr�sident Barbicane 8 III. Effets de la communication Barbicane 15 IV. R�ponse de l'Observatoire de Cambridge 20 V. Le roman de la Lune 24 VI. Ce qu'il n'est pas possible d'ignorer et ce qu'il n'est plus permis de croire dans les Etats-Unis 30 VII. L'hymne du boulet 36 VIII. Histoire du canon 44 IX. La question des poudres 51 X.
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