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Book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 - C.-A. Sainte-Beuve (thriller novels to read .txt) 📗». Author C.-A. Sainte-Beuve



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Fantaisies Des

Malades. Les Conseils Des Courtisans Leur Firent En Cette Occasion Un

Grand Effet; Ils Renoncèrent À Reparler De Cette Saignée.

 

Lemonnier Était Trop Politique Pour Ne Pas, Dans Cette Circonstance,

Être De L'avis Des Autres; Lassonne Et Lieutaud, Déterminés À Renoncer À

Cette Troisième Saignée, Remirent Pourtant Après La Seconde Saignée À

En Prononcer. Les Chirurgiens Furent, Comme Toujours, De L'avis Des

Médecins, Et Il Fut Question De Procéder À La Saignée Qu'on Avait

Ordonnée À Midi. Le Parti Qui Désirait Tous Les Moyens Qui Feraient

Chasser Mme Dubarry Et Tous Ses Plats Courtisans (Et J'étais Un Des Plus

Actionnés Dans Ce Parti) S'efforçait De Savoir Exactement Tout Ce Qui

Se Faisait Dans L'autre, Mais Se Bornait À Cela. La Prudence Lui

Interdisait Toutes Démarches; Car Le Renvoi De Cette Femme Étant

Nécessairement Lié À Un Plus Grand Danger Du Roi, Il Eût Été Maladroit

Et Dangereux De Rien Montrer De L'envie Qu'on En Avait. La Lâcheté Des

Médecins Qui Les Avait Fait Renoncer À L'idée D'une Troisième Saignée

Si La Seconde Ne Produisait Pas Un Assez Grand Soulagement, Ne Les

Empêchait Pas De Penser, Qu'elle Serait Vraisemblablement Nécessaire;

Mais Ils S'étaient Engagés, Et, Pour Satisfaire À La Fois Leur Parole Et

Leur Conscience, Ils Prirent Le Parti De Faire Faire La Seconde Saignée

Tellement Abondante, Qu'elle Pût Tenir Lieu D'une Troisième. En

Conséquence, On Tira Au Roi La Valeur De Quatre Grandes Palettes. Les

Rois Doivent Être Accoutumés À Voir Leur Gloire Et Leur Santé Être Le

Jouet De L'intrigue Et De L'intérêt De Tout Ce Qui Les Entoure. Le Roi

Se Montra Encore Bien _Lui_ Pendant Et Avant Cette Saignée; Sa Peur, Sa

Pusillanimité Étaient Inconcevables; Il Fit Venir Du Vinaigre Qu'il

Fit Mettre Sous Son Nez, Disant À La Vue Du Chirurgien Qu'il Allait Se

Trouver Mal, Se Faisant Soutenir Par Quatre Personnes, Et Donnant Son

Pouls À Tâter À La Faculté, Et Faisant À Chaque Instant Les Mêmes

Questions Aux Médecins Sur Sa Maladie, Sur Les Remèdes, Sur Son État.

«_Vous Me Dites Que Je Ne Suis Pas Mal, Et Que Je Serai Bientôt Guéri_,

Leur Disait-Il, _Mais Vous N'en Pensez Pas Un Mot; Vous Devez Me Le

Dire_.» Ceux-Ci Protestaient De Dire La Vérité, Et Le Roi Ne S'en

Plaignait, N'en Geignait, N'en Criait Pas Moins. Sa Peur Et Ses Craintes

N'étaient Pas Celles De L'inquiétude Bien Intéressante(?), Mais Celles

D'une Faiblesse Lâche Et Révoltante. Son Mal De Tête, Qui N'avait Pas

Cédé À La Première Saignée, Ne Cédait Pas Plus À La Seconde, Et Il Se

Répandait Dans Versailles, À La Grande Satisfaction Des Uns Et Au Grand

Chagrin Des Autres, Que Le Roi Entrait Dans Une Grande Maladie. Le Roi,

Inquiet Et Souffrant, Ne Parlait Que De Lui Quand Il Parlait, Mais

Parlait Peu. Il Avait, Vers Les Cinq Heures, Envoyé Chercher Ses

Enfants, Qui Étaient Venus Passer Auprès De Son Lit Une Demi-Heure, Sans

En Entendre Et Sans Lui Dire Une Parole. Il N'aurait Pas Pensé À Se

Procurer Cette Visite, Si L......., Qui Voulait Lui En Procurer Une

Autre, Ne Lui Eût Pas Proposé D'aller Chercher Ses Enfants. L......[316],

Premier Valet De Chambre Du Roi, Livré, Comme M. D'aumont, À Mme

Dubarry, Joignait Sa Bassesse À La Sienne, Pour La Servir Quand Il

Le Pouvait, Et Avait Fait À Cet Égard De Grands Projets Pour Cette

Occasion. Quoique L...... Soit Un Homme Vil Et Sans Honneur, Il Ne Faut

Pas Confondre Sa Bassesse Avec Celle De M. D'a.....; Elle Est D'un

Caractère Un Peu Plus Noble, Au Moins Plus Hardi. C'est Une Espèce De

Fou Qui Ne Manque Pas D'esprit, À Qui Les Caresses De Mme Dubarry Et La

Confiance Du Roi Dans Cet Horrible Rapport Avaient Tourné La Tête, Qui

Se Croyait Un Personnage, Un Homme À Crédit, Que Cette Idée Disposait

À Tout Faire Pour L'avantage De Cet Indigne Fripon, Mais Qui Au Moins

Était Capable De Mettre Plus De Force Et Plus D'intrépidité Dans Ses

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 276

Choquante Et D'une Insolence Brutale. Il Voyait Avec Chagrin Que Les

Princes Du Sang Et Les Grands-Officiers Remplissaient La Chambre Du Roi,

Et Qu'ils Ne La Quittaient Pas, Empêchant Mme Dubarry D'y Arriver. M.

D'aumont N'en Était Pas Plus Content; Il Avait Promis À M. D'aiguillon

De Faciliter Fréquemment Les Visites De Mme La Comtesse; Il Tint Son

Petit Conseil Avec L......, Et Le Détermina En Conséquence À Venir Nous

Dire À Tous Dans La Chambre Que Le Roi Voulait Être Seul.

 

[Note 316: Laborde, Qui Fut Aussi Fermier-Général.]

 

Je Ne Croyais Pas Alors Que Son Motif Fût La Bassesse Et L'envie De

Produire Mme Dubarry; Je N'y Voyais Que Le Projet De Nous Éconduire Pour

Rester Seul Avec Le Roi, Prétention De Droits; Et Quoique Tout Le Monde

À Peu Près Fût Déjà Sorti, Je Tins Bon Et Lui Répondis: Que Si Le Roi

Voulait Que Je Sorte, Il Me L'ordonnerait, Mais Qu'en Attendant J'allais

Rester. M. De Bouillon Vint À Mon Secours Et Dit La Même Chose, Et Les

Gens Qui Étaient Sortis, Nous Voyant Rester, Rentrèrent Aussi. Je Jouis

Alors De M'être Opposé Avec Succès À Cette Prétention De M. D'aumont.

J'ai Bien Plus Joui Depuis, Quand J'ai Su Le Vrai Motif De Sa Conduite,

D'avoir Empêché La Visite Qu'il Voulait Favoriser. Cependant Le Roi

Était Gisant Dans Son Lit, N'ayant Nul Désir De Voir Celle Que M.

D'aumont Avait Tant À Coeur De Lui Amener, Et N'ouvrant La Bouche, Dans

L'état D'affaissement Où Il Était, Que Pour Geindre Et Parler De Lui À

La Faculté. La Quantité De Médecins Dont Il Était Entouré M'avait, Dans

Le Commencement De La Journée, Apitoyé Pour Lui. Quatorze Personnes,

Dont Chacune A Le Droit D'approcher Et De Visiter Un Malade, Me

Paraissaient Un Vrai Supplice. Mais Le Roi N'en Jugeait Pas Ainsi; Et,

Outre Que L'habitude L'empêchait De S'apercevoir De Cette Importunité,

Qui Aurait Été Pour Tout Autre Insoutenable, L'inquiétude Et La Peur La

Lui Rendaient Précieuse. La Faculté Était Composée De Six Médecins, Cinq

Chirurgiens, Trois Apothicaires; Il Aurait Voulu En Voir Augmenter

Le Nombre. Il Se Faisait Tâter Le Pouls Six Fois Par Heure Par Les

Quatorze; Et Quand Cette Nombreuse Faculté N'était Pas Dans La Chambre,

Il Appelait Ce Qui En Manquait Pour En Être Sans Cesse Environné, Comme

S'il Eût Espéré Qu'avec De Tels Satellites La Maladie N'oserait Pas

Arriver Jusqu'à Sa Majesté. Je N'oublierai Jamais Que Lemonnier Lui

Ayant Dit Qu'il Était Nécessaire Qu'il Fît Voir Sa Langue, Et Le Lit

N'étant Ouvert Que De Façon À Laisser Approcher À La Fois L'un Deux, Il

La Tira D'un Pied Appuyant Ses Deux Mains Sur Ses Yeux, Que La Lumière

Incommodait, Et La Laissa Tirée Plus De Six Minutes, Ne La Retirant Que

Pour Dire Après L'examen De Lemonnier: «À Vous, Lassonne;» Et Puis: «À

Vous, Bordeu;» Et Puis: «À Vous, Lorry,» Etc.; Et Puis, Et Puis, Enfin

Jusqu'à Ce Qu'il Eût Appelé L'un Après L'autre Tous Ses Docteurs, Qui

Témoignaient Chacun À Leur Manière La Satisfaction Qu'ils Avaient De La

Beauté Et De La Couleur De Ce Précieux Et Royal Morceau. Il En Fut De

Même Un Moment Après, Pour Son Ventre, Qu'il Fallut Tâter; Et Il Fit

Défiler Chaque Médecin, Chaque Chirurgien, Chaque Apothicaire, Se

Soumettant Avec Joie À La Visite, Et Les Appelant Toujours L'un Après

L'autre Et Par Ordre. Mais Ces Visites Se Faisaient En Prenant Bien

Garde Que Le Roi Ne Vît La Lumière Qui L'avait Déjà Incommodé, Et Dont

Il S'était Plaint Une Fois. On Mettait La Main Devant, Et On Ne Laissait

Arriver Les Rayons Que Sur La Partie Que L'on Voulait Éclairer. Un

Garçon De La Chambre Avait Été Chargé De Ce Soin; Son Attention N'était

Jamais En Défaut. Il La Poussait Même Plus Loin Que L'exactitude, Et

Je Dirai En Passant Comment Elle Nous Procura Une Scène Ridicule Et

Plaisante. Il Fut Question De Donner Un Lavement Au Roi. On Le Traîna À

Grand'peine Sur Le Bord De Son Lit, Et Là On Le Posta Dans L'attitude

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 277

Convenable À La Circonstance, C'est-À-Dire Le Visage Enfoncé Dans Un

Oreiller, Et Le Derrière À Découvert Et En Position. La Faculté, Rangée

Autour Du Lit, Fit Place, En Se Mettant En Haie, Au Maître Apothicaire,

Qui Arrivait La Canule À La Main, Suivi Du Garçon Apothicaire Qui

Portait Respectueusement Le Corps De La Seringue, Et Du Garçon De La

Chambre Qui Portait La Lumière Destinée Naturellement À Éclairer

La Scène. M. Forgeot (C'est Le Nom Du Maître Apothicaire), Placé

Avantageusement, Allait Poser Et Mettre En Place La Canule, Quand Tout À

Coup Le Garçon De La Chambre, Voyant Que La Lumière Qu'il Porte Donne En

Plein Sur Le Derrière Royal, Et Imaginant Apparemment Que Son Effet Peut

Être Dangereux Pour La Santé Ou Au Moins La Commodité De Sa Majesté,

Arrache Avec Précipitation De Dessous Le Bras D'un Médecin Un Chapeau,

Et Le Place Entre La Bougie Et Le Lieu Où M. Forgeot Dirigeait Toute Son

Attention. J'aurais Peine À Peindre La Colère Servile Et Méprisante

De L'apothicaire, À Qui Cette Éclipse Avait Fait Manquer Son Coup,

L'étonnement Des Médecins, L'indignation Du Petit Garçon Apothicaire,

Et L'envie De Rire De La Partie De L'assemblée Heureusement Placée Pour

Être Témoin De Cette Scène. Cette Histoire Ridicule Peut Servir À Faire

Connaître L'empressement Peu Réfléchi, L'exactitude Machinale Des

Subalternes, Que La Plus Profonde Vénération N'abandonne Jamais.

 

Cependant Les Médecins N'étaient Pas Contents De L'effet De Leur Remède,

Et L'accablement Continuel Du Roi Et Les Autres Accidents Leur Faisaient

Craindre Une Fièvre Maligne. Ils Disaient Cependant Encore Que La

Maladie Était Une Fièvre Humorale, Mais Consultaient Fréquemment Entre

Eux, Et Se Laissaient Voir Inquiets. Bordeu Avait Été Chez Mme Dubarry,

Et Lui Avait Annoncé Une Grande Maladie Pour Le Roi. Lorry Avait Dit À

M. D'aiguillon Que L'état Du Roi Pouvait Devenir Inquiétant; Mais La

Maîtresse Et Son Favori N'en Croyaient Encore Rien Et N'en Voulaient

Rien Croire. L'inquiétude Commençait Pourtant À Se Répandre Dans Tout

Versailles; Chacun Commençait Aussi À Se Faire Un Plan De Conduite Pour

Le Cours De La Maladie: Je Fis Celui De Veiller Le Roi, Et De Le Soigner

De Ma Présence Tant Qu'elle Durerait. On Avait Toujours Dit, Et Avec

Assez De Raison, Que Je Le Servais Fort À Ma Commodité, Et On Avait

Voulu Me Faire De Cette Légèreté Un Grand Démérite À Ses Yeux; Mais

Son Apathie, Qui Lui Rendait Tout Indifférent, L'avait Empêché De S'en

Choquer, Et J'avais Usé Plus Que Personne De Cette Facilité Que L'on

Admirait En Lui Pour Les Gens Qui L'approchaient, Et Qui N'était Que

L'effet De La Plus Complète Indifférence. Cependant Je Ne Voulais Pas,

Dans Le Moment Où Il Était Malade, Ne Pas Le Soigner Aussi Bien Et Mieux

Que Les Autres; Je Croyais Mon Devoir Attaché À Ne Le Quitter Que Le

Temps Absolument Nécessaire Pour Mon Repos Ou Mes Repas. J'y Voyais

Aussi Mon Intérêt, Car J'acquérais Par Une Conduite Assidue Pendant

Sa Maladie, Et Par Dix Nuits Passées Auprès De Son Lit, Le Droit

De Reprendre Après Sa Guérison Mon Train Ordinaire De Vie. J'étais

Déterminé Aussi À Cette Conduite Par Le Désir Et Le Projet D'observer

De Près Un Événement Aussi Curieux, Et De Démêler Les Intrigues Qu'il

Ferait Nécessairement Naître En Abondance. Voilà Quels Étaient Mon Plan

Et Mes Motifs. Je Me Proposais Aussi La Plus Grande Retenue Dans Mes

Propos, Et De Ne Rien

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