Winds of Doctrine - George Santayana (ebook reader TXT) 📗
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Book online «Winds of Doctrine - George Santayana (ebook reader TXT) 📗». Author George Santayana
Les amateurs de musique font généralement plus d'usage des instruments à corde que de ceux à vent: ils parcourent les rues et y répandent la gaîté et l'harmonie. Revenant de voir la tour inclinée, nous entendîmes de doux accents; nous approchâmes, croyant voir une fête de musique; c'était une réunion d'industriels chantant en partie, tout en faisant leur ouvrage, suivant leur pratique journalière.
La route de Pise à Florence est belle; les grains y sont très-bien cultivés: nous côtoyons l'Arno et les Apennins jusqu'à Florence. À Pistoie, les femmes portent des toques de velours: les deux sexes labourent la terre, avec de moyennes pelles, dont les manches sont très-longs; les contadines sont laborieuses; elles font des paquets de bois et tressent la paille avec un talent particulier; l'habitude qu'elles ont d'avoir toujours la tête nue, leur occasionne de fréquentes ophtalmies et beaucoup de maladies d'yeux. Pistoie, petite ville de Toscane, s'honore de l'invention du pistolet. La maison de Michel-Ange Buonaroti est située rue des Gibelins.
La route continue d'être ravissante; on voit encore des liéges aux formes pittoresques, aux branches pendantes comme des saules. Nous voici au milieu des riantes collines et des frais bosquets de l'antique Ausonie. La nuit nous surprend, seuls avec le voiturin, près des montagnes, nous appréhendons les voleurs; enfin, vers onze heures du soir, nous entrons à Florence; moyennant deux paoli de bonne main, les douaniers nous laissent passer sans perquisition; on retient notre passeport, dont on nous donne quittance; le portier de notre hôtel le fait viser le lendemain aux consulats, suivant nos projets; tout cela à l'ordinaire avec beaucoup d'argent, car les consuls s'engraissent d'une rétribution sur le pauvre pélerin.
CHAPITRE VII.De Florence, Sienne à Rome.
Immédiatement un homme monte sur la voiture; nous le prîmes pour un important de la douane, pas du tout, c'était un faquin gui venait faire sa moisson et se préparait à porter nos effets dans notre chambre. On nous accueille fort bien à l'hôtel d'Yorck, notre demeure à Florence.
Le lendemain, nous fîmes des recherches pour trouver nos amis, M. et Mlle Au Capitaine. M. Au Capitaine avait été secrétaire du prince de Saint-Leu. En qualité de Français, partout on avait le désir de nous obliger, même de nous conduire; il arrivait que souvent nous nous adressions à de vieux officiers de l'empire qui s'empressaient de nous être utiles.
Nous voilà donc à Florence, cette capitale des états libres. Le gouvernement de son souverain le duc Léopold, est plein de tolérance; aussi se croit-on encore au milieu de notre belle France. Le grand duc vit en bourgeois parmi son peuple, dont il est adoré.
Les habitants de Florence sont très-polis et font accueil aux étrangers; ils ont beaucoup d'esprit et sont fort industrieux. Ce ne fut que chez M. Seguin, que nous pûmes savoir la demeure de M. Au Capitaine. M. Seguin est un célèbre industriel; il a déjà fait construire plus de trente ponts en fer en France, et plusieurs en Italie, entr'autres, deux sur l'Arno, à Florence. M. Seguin possède un des plus beaux palais de la ville, qui était jadis au cardinal de Retz.
Nous allons ensuite nous distraire aux Cascine, promenade de trois lieues de circuit, que nous fîmes sans nous en apercevoir; c'est une belle enceinte où se rendent les grands, la cour, les fashionables, quantité de chevaux et de voitures de luxe; il n'y a pas un garde municipal pour maintenir l'ordre; les Florentins sont trop civilisés et n'ont pas besoin de gendarmes; ils n'ont pas non plus de barrières étroites pour faire suffoquer dans les fêtes, comme à Paris au champ de Mars; dans les Cascine sont encore une ferme du grand duc et un charmant jardin anglais, embelli par l'Arno, et où l'on voit errer les faisans, les lièvres, les cerfs pour l'amusement du prince; les arbres sont décorés de lierre sous mille formes.
Aux Cascine, les équipages sont plus riches qu'à Paris; de jolies calèches, d'une coupe tout-à-fait gracieuse, remplies de femmes élégantes et souvent très-belles, sont traînées par d'impétueux coursiers qui à peine touchent la terre, dans la vélocité de leur course. Boboli, jardin délicieux, est une charmante promenade digne de sa réputation. Les villas, aux environs de Florence, sont si nombreuses, que l'Arioste les compare à un émail d'anagalis couvrant la terre au printemps.
Sainte Marie des Fleurs, cathédrale de Florence, Santa Maria di Fiori, a été faite par Arnolfo di Lapo, sous la direction de son maître, Simabué; l'auteur de la prodigieuse coupole qui représente le jugement dernier, est l'illustre Bruneleschi, qui fit l'admiration de Michel-Ange, et servit de modèle pour celle de Saint-Pierre de Rome. La façade est d'un aspect noble et harmonieux; le marbre de diverses couleurs dont tout l'édifice est incrusté produit le plus brillant effet. Au-dessus d'une des portes latérales est une Assomption appelée Mandola, parce que la Vierge est représentée sur un médaillon qui a la forme d'une amende. À l'entrée de l'église, on est frappé tout d'abord de la beauté, de l'éclat du pavé mosaïque et de la variété des couleurs des marbres qui le composent; cela semble vraiment un parterre émaillé de fleurs: de tous côtés apparaissent des inscriptions, des statues et des tombeaux. La châsse de Saint Zénobie, un des premiers sermonaires en Toscane, descendant de Zénobie, reine de Palmire, est ornée de bas-reliefs célèbres, en commémoration des miracles du Saint; il est impossible de rien imaginer de plus gracieux que les dix anges qui soutiennent la couronne du dôme de cette châsse d'une si élégante simplicité. L'autel principal répond à tant de richesses, et derrière, sont deux belles statues d'Adam et d'Ève, puis une piété faite par Michel-Ange. Le Baptistère, autrefois temple de Mars, est aujourd'hui dédié à Saint Jean, et est séparé, ainsi que le Dôme et le Campanile, de tout autre édifice. Ce monument est surtout célèbre à cause des portes de bronze que Michel Ange disait être dignes du Paradis. Laurenzzo Guiberti en est l'auteur. La voûte est ornée d'une belle mosaïque. Du côté où l'on baptise les enfants, s'élèvent deux colonnes de porphyre; de l'autre côté, les chaînes de fer suspendues à la muraille, sont un trophée de la conquête de Pise par les Florentins.
Le Campanile est très-bien conservé, malgré cinq siècles d'existence; sa hauteur est de deux cent cinquante-deux pieds, mesure d'Italie; il est dû au talent de Giotto; c'est un édifice carré, en marbres rouge, blanc et noir.
La place de l'église de l'Annunziata est belle, large et ornée de la statue équestre du grand duc Ferdinand. Au côté droit de cette place, est la maison des enfants trouvés, où l'on nourrit une grande quantité d'orphelins.
Nous visitâmes l'église de l'Annunziata: voyant un grand concours de fidèles et, comme voyageurs, n'ayant pas le martyrologe avec nous, nous ignorions le motif de cette solennité; on nous dit que c'était pour honorer journellement une image de la Vierge devant laquelle brûlent sans-cesse des lampes, qui, suivant une tradition, a été achevée par un ange, et qu'un peintre avait seulement ébauchée.
La chronique locale nous a aussi appris qu'au mois de mai, le plus bel âne qu'on pouvait trouver était chargé d'huile, de fruits et de vins, et conduit processionnellement à travers l'église où ses offrandes sont reçues en grande pompe par les ministres du lieu.
L'Arno, alimenté par des sources qui viennent des montagnes, coupe la ville en deux parties liées ensemble par plusieurs ponts; le principal est le pont de la Trinité, orné de statues symboles des quatre saisons.
Les théâtres de la Scala et de la Pergola ont un extérieur fort ordinaire, mais la musique est délicieuse, surtout à l'opéra; il y a dans les rues adjacentes des trottoirs avec des chaînes en fer pour préserver d'accidents les piétons.
À la Pergola, les loges sont variées par des rideaux de soie de différentes couleurs: la salle est vaste et disposée d'une manière avantageuse à l'expension de la voix. L'odeur des mets succulents et des vins de liqueur vient affecter désagréablement les houppes nerveuses et nasales des spectateurs qui ne se livrent pas à la gastronomie, sur les bancs, comme ceux qui occupent les loges.
Les rues sont très-agréables à marcher; elles sont pavées de larges pierres grisâtres qu'on appelle pietre forte. Il y a très-peu de belles boutiques; les marchés sont malpropres; les principaux sont Mercato Nuovo et Mercato Vecchio, au centre de la ville. Un boulanger vend en même temps de la morue, des harengs, de l'épicerie.
En général, le grand duc de Toscane et le roi de Naples, par leur bienveillante administration, rendent leurs peuples heureux, et le séjour de leurs cités agréable aux étrangers. Le grand duc a conservé les lis pour armoiries; il se promène souvent sans garde au milieu de son peuple.
Devant l'ancien parlais ducal sont un Hercule, les Sabines enlevées, le David de Michel Ange, Judith; un Persée en bronze et la statue équestre de Cosme Ier: le vestibule est entouré de belles colonnes, et grand nombre de salles sont remplies de raretés. Nous y avons remarqué entr'autres, un cheval en marbre qui, se sentant né, demande la terre, et à en dévorer l'étendue; sa bouche rejette des flots d'écume; ses narines fument; son oeil sanglant laisse échapper des éclairs; son poitrail ruisselle de sueur; il frappe la poussière avec violence. Le groupe de la famille de Niobé se compose de quatorze individus; puis une Magdeleine en marbre avec sa flottante chevelure sur les épaules. Cette place a encore une fontaine avec quatre statues de marbre plus grandes que nature, et quatre chevaux de bronze qui représentent la famille de Neptune, au milieu de laquelle ce Dieu est tiré par quatre chevaux marins en marbre blanc, d'une grandeur colossale.
Dans la Rotonde, à Florence, se trouve la Vénus de Médicis, et près de l'église Saint-Martin est la maison qu'avait occupée Le Dante. Florence est la patrie de Machiavel.
Le cabinet en cire est fort curieux et donne le tableau fidèle des misères de l'homme. Il n'y a que Vienne qui en possède un pareil. Ce qui frappe le plus nos regards, sont ces pièces isolées, éparses, ensuite réunies, qui représentent toutes les parties du corps humain.
Ces salons d'anatomie sont admirables; les figures y sont de cire coloriée: on y remarque le commencement, les progrès de la maladie, imités avec une exactitude effrayante. La peste y est modelée, on peut dire au vif, sa naissance, ses phases, la fin et la corruption qui en est la suite; les cadavres, d'un vert foncé, couverts des taches livides de la contagion, rongés par des vers.
Dans la galerie du Musée, Niobé est grande, belle, au milieu du salon, ses enfants sont dispersés autour d'elle. Diane tient à la voûte comme à celle du firmament; de là, en punition de ce qu'elle avait empêché d'offrir des sacrifices à Latone, elle lance ses flèches sur ses enfants infortunés, tous d'un âge progressif. Niobé, vêtue en désordre, d'une longue robe dont une partie cache à moitié sa plus jeune fille, porte une main vers Diane dont elle veut parer les traits; les figures expriment la douleur, la terreur, le désespoir; ce groupe est composé de seize personnes.
Les palais sont magnifiques. Le palais Pitti, habité par le grand duc, est de grosses pierres de taille, situé dans un endroit bas; de trois côtés, il est orné de belles colonnes, au quatrième, c'est un joli jardin; la cour est carrée, il y a une galerie où l'on voit la statue de Scipion l'Africain.
Il y a aussi un petit palais, magnifique ouvrage de Michel-Ange.
Nous avons vu, dans l'église de Santa Croce, le tombeau de Michel-Ange; le buste de cet habile artiste est accompagné de trois statues qui représentent la peinture, la sculpture, l'architecture; celui de Galilée et du licencieux Bocace y reposent aussi.
Un monument sépulcral nous a surtout sensibilisés; c'est le tombeau d'un jeune homme sur lequel repose, dans l'abandon de la vraie douleur, la charmante figure de la femme qui a fait ériger, ce mausolée à son jeune et tendre époux, moissonné à Florence, en terre étrangère.
Dans l'église de Sainte-Marie, on voit le tombeau du fameux polyglote
Pic de la Mirandole initié dans la connaissance de vingt-deux langues.
Les tombeaux des Médicis font le principal ornement de l'église Saint-Laurent. À côté d'un sarcophage sont deux figures, colossales qui représentent le jour et la nuit, c'est un ouvrage de Michel-Ange: la figure du jour a l'air de se mouvoir sous le marbre; une vigueur hardie se déploie dans chaque membre, et lui donne l'expression de la vie; la statue de la nuit, au contraire, ressemble à la tristesse qui sommeille, on y lit cette inscription:
«La nuit, que tu vois si
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