De la Terre à la Lune by Jules Verne (read the beginning after the end novel .TXT) 📗
- Author: Jules Verne
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De l� une grande �conomie de temps, car on put alors employer ce nouveau syst�me de creusement adopt� maintenant dans la construction des puits, par lequel la ma�onnerie se fait en m�me temps que le forage. Gr�ce � ce proc�d� tr�s simple, il n'est plus n�cessaire d'�tayer les terres au moyen d'�tr�sillons; la muraille les contient avec une in�branlable puissance et descend d'elle-m�me par son propre poids.
Cette manœuvre ne devait commencer qu'au moment o� la pioche aurait atteint la partie solide du sol.
Le 4 novembre, cinquante ouvriers creus�rent au centre m�me de l'enceinte palissad�e, c'est-�-dire � la partie sup�rieure de Stone's-Hill, un trou circulaire large de soixante pieds.
La pioche rencontra d'abord une sorte de terreau noir, �pais de six pouces, dont elle eut facilement raison. A ce terreau succ�d�rent deux pieds d'un sable fin qui fut soigneusement retir�, car il devait servir � la confection du moule int�rieur.
Apr�s ce sable apparut une argile blanche assez compacte, semblable � la marne d'Angleterre, et qui s'�tageait sur une �paisseur de quatre pieds.
Puis le fer des pics �tincela sur la couche dure du sol, sur une esp�ce de roche form�e de coquillages p�trifi�s, tr�s s�che, tr�s solide, et que les outils ne devaient plus quitter. A ce point, le trou pr�sentait une profondeur de six pieds et demi, et les travaux de ma�onnerie furent commenc�s.
Au fond de cette excavation, on construisit un �rouet� en bois de ch�ne, sorte de disque fortement boulonn� et d'une solidit� � toute �preuve; il �tait perc� � son centre d'un trou offrant un diam�tre �gal au diam�tre ext�rieur da la Columbiad. Ce fut sur ce rouet que repos�rent les premi�res assises de la ma�onnerie, dont le ciment hydraulique encha�nait les pierres avec une inflexible t�nacit�. Les ouvriers, apr�s avoir ma�onn� de la circonf�rence au centre, se trouvaient renferm�s dans un puits large de vingt et un pieds.
Lorsque cet ouvrage fut achev�, les mineurs reprirent le pic et la pioche, et ils entam�rent la roche sous le rouet m�me, en ayant soin de le supporter au fur et � mesure sur des �tins� [Sorte de chevalets.] d'une extr�me solidit�; toutes les fois que le trou avait gagn� deux pieds en profondeur, on retirait successivement ces tins; le rouet s'abaissait peu � peu, et avec lui le massif annulaire de ma�onnerie, � la couche sup�rieure duquel les ma�ons travaillaient incessamment, tout en r�servant des ��vents�, qui devaient permettre aux gaz de s'�chapper pendant l'op�ration de la fonte.
Ce genre de travail exigeait de la part des ouvriers une habilet� extr�me et une attention de tous les instants; plus d'un, en creusant sous le rouet, fut bless� dangereusement par les �clats de pierre, et m�me mortellement; mais l'ardeur ne se ralentit pas une seule minute, et jour et nuit: le jour, aux rayons d'un soleil qui versait, quelques mois plus tard, quatre-vingt-dix-neuf degr�s [Quarante degr�s centigrades.] de chaleur � ces plaines calcin�es; la nuit, sous les blanches nappes de la lumi�re �lectrique, le bruit des pics sur la roche, la d�tonation des mines, le grincement des machines, le tourbillon des fum�es �parses dans les airs trac�rent autour de Stone's-Hill un cercle d'�pouvante que les troupeaux de bisons ou les d�tachements de S�minoles n'osaient plus franchir.
Cependant les travaux avan�aient r�guli�rement; des grues � vapeur activaient l'enl�vement des mat�riaux; d'obstacles inattendus il fut peu question, mais seulement de difficult�s pr�vues, et l'on s'en tirait avec habilet�.
Le premier mois �coul�, le puits avait atteint la profondeur assign�e pour ce laps de temps, soit cent douze pieds. En d�cembre, cette profondeur fut doubl�e, et tripl�e en janvier. Pendant le mois de f�vrier, les travailleurs eurent � lutter contre une nappe d'eau qui se fit jour � travers l'�corce terrestre. Il fallut employer des pompes puissantes et des appareils � air comprim� pour l'�puiser afin de b�tonner l'orifice des sources, comme on aveugle une voie d'eau � bord d'un navire. Enfin on eut raison de ces courants malencontreux. Seulement, par suite de la mobilit� du terrain, le rouet c�da en partie, et il y eut un d�bordement partiel. Que l'on juge de l'�pouvantable pouss�e de ce disque de ma�onnerie haut de soixante-quinze toises! Cet accident co�ta la vie � plusieurs ouvriers.
Trois semaines durent �tre employ�es � �tayer le rev�tement de pierre, � le reprendre en sous-œuvre et � r�tablir le rouet dans ses conditions premi�res de solidit�. Mais, gr�ce � l'habilet� de l'ing�nieur, � la puissance des machines employ�es, l'�difice, un instant compromis, retrouva son aplomb, et le forage continua.
Aucun incident nouveau n'arr�ta d�sormais la marche de l'op�ration, et le 10 juin, vingt jours avant l'expiration des d�lais fix�s par Barbicane, le puits, enti�rement rev�tu de son parement de pierres, avait atteint la profondeur de neuf cents pieds. Au fond, la ma�onnerie reposait sur un cube massif mesurant trente pieds d'�paisseur, tandis qu'� sa partie sup�rieure elle venait affleurer le sol.
Le pr�sident Barbicane et les membres du Gun-Club f�licit�rent chaudement l'ing�nieur Murchison; son travail cyclop�en s'�tait accompli dans des conditions extraordinaires de rapidit�.
Pendant ces huit mois, Barbicane ne quitta pas un instant Stone's-Hill; tout en suivant de pr�s les op�rations du forage, il s'inqui�tait incessamment du bien-�tre et de la sant� de ses travailleurs, et il fut assez heureux pour �viter ces �pid�mies communes aux grandes agglom�rations d'hommes et si d�sastreuses dans ces r�gions du globe expos�es � toutes les influences tropicales.
Plusieurs ouvriers, il est vrai, pay�rent de leur vie les imprudences inh�rentes � ces dangereux travaux; mais ces d�plorables malheurs sont impossibles � �viter, et ce sont des d�tails dont les Am�ricains se pr�occupent assez peu. Ils ont plus souci de l'humanit� en g�n�ral que de l'individu en particulier. Cependant Barbicane professait les principes contraires, et il les appliquait en toute occasion. Aussi, gr�ce � ses soins, � son intelligence, � son utile intervention dans les cas difficiles, � sa prodigieuse et humaine sagacit�, la moyenne des catastrophes ne d�passa pas celle des pays d'outre-mer cit�s pour leur luxe de pr�cautions, entre autres la France, o� l'on compte environ un accident sur deux cent mille francs de travaux.
XVLA F�TE DE LA FONTE
Pendant les huit mois qui furent employ�s � l'op�ration du forage, les travaux pr�paratoires de la fonte avaient �t� conduits simultan�ment avec une extr�me rapidit�; un �tranger, arrivant � Stone's-Hill, e�t �t� fort surpris du spectacle offert � ses regards.
A six cents yards du puits, et circulairement dispos�s autour de ce point central, s'�levaient douze cents fours � r�verb�re, larges de six pieds chacun et s�par�s l'un de l'autre par un intervalle d'une demi-toise. La ligne d�velopp�e par ces douze cents fours offrait une longueur de deux milles [Trois mille six cents m�tres environ.]. Tous �taient construits sur le m�me mod�le avec leur haute chemin�e quadrangulaire, et ils produisaient le plus singulier effet. J.-T. Maston trouvait superbe cette disposition architecturale. Cela lui rappelait les monuments de Washington. Pour lui, il n'existait rien de plus beau, m�me en Gr�ce, �o� d'ailleurs, disait-il, il n'avait jamais �t�.
On se rappelle que, dans sa troisi�me s�ance, le Comit� se d�cida � employer la fonte de fer pour la Columbiad, et sp�cialement la fonte grise. Ce m�tal est, en effet, plus tenace, plus ductile, plus doux, facilement al�sable, propre � toutes les op�rations de moulage, et, trait� au charbon de terre, il est d'une qualit� sup�rieure pour les pi�ces de grande r�sistance, telles que canons, cylindres de machines � vapeur, presses hydrauliques, etc.
Mais la fonte, si elle n'a subi qu'une seule fusion, est rarement assez homog�ne, et c'est au moyen d'une deuxi�me fusion qu'on l'�pure, qu'on la raffine, en la d�barrassant de ses derniers d�p�ts terreux.
Aussi, avant d'�tre exp�di� � Tampa-Town, le minerai de fer, trait� dans les hauts fourneaux de Goldspring et mis en contact avec du charbon et du silicium chauff� � une forte temp�rature, s'�tait carbur� et transform� en fonte [C'est en enlevant ce carbone et ce silicium par l'op�ration de l'affinage dans les fours � puddler que l'on transforme la fonte en fer ductile.]. Apr�s cette premi�re op�ration, le m�tal fut dirig� vers Stone's-Hill. Mais il s'agissait de cent trente-six millions de livres de fonte, masse trop co�teuse � exp�dier par les railways; le prix du transport e�t doubl� le prix de la mati�re. Il parut pr�f�rable d'affr�ter des navires � New York et de les charger de la fonte en barres; il ne fallut pas moins de soixante-huit b�timents de mille tonneaux, une v�ritable flotte, qui, le 3 mai, sortit des passes de New York, prit la route de l'Oc�an, prolongea les c�tes am�ricaines, embouqua le canal de Bahama, doubla la pointe floridienne, et, le 10 du m�me mois, remontant la baie d'Espiritu-Santo, vint mouiller sans avaries dans le port de Tampa-Town.
L� les navires furent d�charg�s dans les wagons du rail-road de Stone's-Hill, et, vers le milieu de janvier, l'�norme masse de m�tal se trouvait rendue � destination.
On comprend ais�ment que ce n'�tait pas trop de douze cents fours pour liqu�fier en m�me temps ces soixante mille tonnes de fonte. Chacun de ces fours pouvait contenir pr�s de cent quatorze mille livres de m�tal; on les avait �tablis sur le mod�le de ceux qui servirent � la fonte du canon Rodman; ils affectaient la forme trap�zo�dale, et �taient tr�s surbaiss�s. L'appareil de chauffe et la chemin�e se trouvaient aux deux extr�mit�s du fourneau, de telle sorte que celui-ci �tait �galement chauff� dans toute son �tendue. Ces fours, construits en briques r�fractaires, se composaient uniquement d'une grille pour br�ler le charbon de terre, et d'une �sole� sur laquelle devaient �tre d�pos�es les barres de fonte; cette sole, inclin�e sous un angle de vingt-cinq degr�s, permettait au m�tal de s'�couler dans les bassins de r�ception; de l� douze cents rigoles convergentes le dirigeaient vers le puits central.
Le lendemain du jour o� les travaux de ma�onnerie et de forage furent termin�s, Barbicane fit proc�der � la confection du moule int�rieur; il s'agissait d'�lever au centre du puits, et suivant son axe, un cylindre haut de neuf cents pieds et large de neuf, qui remplissait exactement l'espace r�serv� � l'�me de la Columbiad. Ce cylindre fut compos� d'un m�lange de terre argileuse et de sable, additionn� de foin et de paille. L'intervalle laiss� entre le moule et la ma�onnerie devait �tre combl� par le m�tal en fusion, qui formerait ainsi des parois de six pieds d'�paisseur.
Ce cylindre, pour se maintenir en �quilibre, dut �tre consolid� par des armatures de fer et assujetti de distance en distance au moyen de traverses scell�es dans le rev�tement de pierre; apr�s la fonte, ces traverses devaient se trouver perdues dans le bloc de m�tal, ce qui n'offrait aucun inconv�nient.
Cette op�ration se termina le 8 juillet, et le coulage fut fix� au lendemain.
�Ce sera une belle c�r�monie que cette f�te de la fonte, dit J.-T. Maston � son ami Barbicane.
—Sans doute, r�pondit Barbicane, mais ce ne sera pas une f�te publique!
—Comment! vous n'ouvrirez pas les portes de l'enceinte � tout venant?
—Je m'en garderai bien, Maston; la fonte de la Columbiad est une op�ration d�licate, pour ne pas dire p�rilleuse, et je pr�f�re qu'elle s'effectue � huis clos. Au d�part du projectile, f�te si l'on veut, mais jusque-l�, non.
Le pr�sident avait raison; l'op�ration pouvait offrir des dangers impr�vus, auxquels une grande affluence de spectateurs e�t emp�ch� de parer. Il fallait conserver la libert� de ses mouvements. Personne ne fut donc admis dans l'enceinte, � l'exception d'une d�l�gation des membres du Gun-Club, qui fit le voyage de Tampa-Town. On vit l� le fringant Bilsby, Tom Hunter, le colonel Blomsberry, le major Elphiston, le g�n�ral Morgan, et tutti quanti, pour lesquels la fonte de la Columbiad devenait une affaire personnelle. J.-T. Maston s'�tait constitu� leur cic�rone; il ne leur fit gr�ce d'aucun d�tail; il les conduisit partout, aux magasins, aux ateliers, au milieu des machines, et il les for�a de visiter les douze cents fourneaux les uns apr�s les autres. A la douze-centi�me visite, ils �taient un peu �cœur�s.
La fonte devait avoir lieu � midi pr�cis; la veille, chaque four avait �t� charg� de cent quatorze mille livres de m�tal en barres, dispos�es par piles crois�es, afin que l'air chaud p�t circuler librement entre elles. Depuis le matin, les douze cents chemin�es vomissaient dans l'atmosph�re leurs torrents de flammes, et le sol �tait agit� de sourdes tr�pidations. Autant de livres de m�tal � fondre, autant de livres de houille � br�ler. C'�taient donc soixante-huit mille tonnes de charbon, qui projetaient devant le disque du soleil un �pais rideau de fum�e noire.
La chaleur devint bient�t insoutenable dans ce cercle de fours dont les ronflements ressemblaient au roulement du tonnerre; de puissants ventilateurs y joignaient leurs souffles continus et
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