Le Vingtième Siècle: La Vie Électrique by Albert Robida (inspirational books for students .txt) 📗
- Author: Albert Robida
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Puis, sur une pression de M. Lacombe, pour achever la diversion, le T�l�journal fonctionna et l'appareil commen�a le bulletin politique dont M. Lacombe aimait � accompagner son caf� au lait.
�Si tout porte � croire que les difficult�s pendantes pour la liquidation des anciens emprunts de la r�publique de Costa-Rica ne pourront se r�soudre diplomatiquement et que Bellone seule parviendra � tirer au clair ces comptes embrouill�s, nous devons, au contraire, constater que notre politique int�rieure est tout � l'apaisement et � la concorde.
�Gr�ce � l'entr�e dans la combinaison, avec le portefeuille de l'Int�rieur, de Mme Louise Muche (de la Seine), leader du parti f�minin qui apporte l'appoint des 45 voix f�minines de la Chambre, le minist�re de la conciliation est s�r d'une importante majorit�...�
Dans l'apr�s-midi de ce jour, comme Estelle �tait plong�e dans les le�ons de Philox Lorris,—sans y trouver beaucoup d'agr�ment d'ailleurs, cela se voyait � la mani�re dont elle pressait son front dans sa main gauche pendant qu'elle essayait de prendre des notes—la sonnerie du T�l�, retentissant � son oreille, la tira soudain de cette p�nible occupation.
Son phonographe �tait en train de d�biter une conf�rence de Philox Lorris; la voix nette du savant expliquait avec de longs d�veloppements ses exp�riences sur l'acc�l�ration et l'am�lioration des cultures par l'�lectrisation des champs ensemenc�s. Estelle mit l'appareil au cran d'arr�t et coupa le discours juste au milieu d'un calcul. Elle courut au T�l� et ce fut le fils de Philox qui se montra.
Georges Lorris, debout devant son appareil personnel, l�-bas � Paris, s'inclina devant la jeune fille.
�Puis-je vous demander, mademoiselle, dit-il, si vous �tes compl�tement remise de la petite secousse d'hier? Je vous ai vue si effray�e...
—Vous �tes trop bon, monsieur, r�pondit Estelle rougissant un peu; je conviens que je ne me suis pas montr�e tr�s brave hier, mais, gr�ce � vous, ma peur s'est vite dissip�e... Je vous dois bien d'autres remerciements: j'ai re�u les phonogrammes et, vous le voyez, j'�tais en train de...
—De subir une petite conf�rence de mon p�re, acheva Georges en riant; je vous souhaite bon courage, mademoiselle...�
Comment le grand Philox Lorris re�oit ses visiteurs.—Mlle Lacombe rate une fois de plus ses examens.—Demande en mariage inattendue.—Les th�ories de Philox Lorris sur l'atavisme.—La doctoresse Sophie Bardoz et la s�natrice Coupard, de la Sarthe.
Tant�t pour se rendre compte des progr�s d'Estelle Lacombe, ou pour lui envoyer de nouveaux phonogrammes p�dagogiques, tant�t pour prendre des nouvelles de sa sant� et de celle de madame sa m�re, Georges Lorris prit assez souvent communication par T�l� avec le chalet de Lauterbrunnen-Station. Ce devint peu � peu pour lui une douce habitude; il lui fallut bient�t, toutes les apr�s-midi, comme compensation � ses heures d'�tude et de travail au laboratoire, une causerie de quelques minutes avec l'�l�ve ing�nieure de l�-bas.
Estelle faisait de notables progr�s gr�ce � ses conseils et � tous les documents qu'il lui envoyait. Pour Estelle, le fils de Philox Lorris, que son p�re, s�v�re et difficile, traitait sans fa�on de mazette scientifique, �tait un g�ant de science. D'ailleurs, quand une question embarrassait la jeune fille, Georges Lorris, muni d'un petit phonographe, trouvait le moyen, dans le cours de la conversation � table, d'amener son p�re � r�soudre cette question et le phonogramme obtenu par surprise partait pour Lauterbrunnen-Station.
Malgr� l'opposition de son mari, Mme Lacombe, entre deux courses � la Bourse des dames, o� elle venait de r�aliser 2,000 francs de b�n�fices, et aux Babel-Magasins, o� elle en avait d�pens� 2,005 pour quelques achats indispensables, s'en vint, un jour, faire visite � M. Philox Lorris, sous pr�texte de lui apporter ses remerciements.
Sous la loggia d'attente, au d�barcad�re a�rien, elle trouva une s�rie de timbres avec tous les noms des habitants de la maison: M. Philox Lorris, Madame, M. Georges Lorris, M. Sulfatin, secr�taire g�n�ral particulier de M. Philox Lorris, etc. Elle remarqua, tout en admirant l'installation, que ces noms n'�taient pas, comme d'usage, suivis de la mention: sorti, ou � la maison ou emp�ch�, ce qui fait gagner du temps aux visiteurs et supprime des d�marches inutiles.
�C'est que ce n'est plus distingu�, se dit-elle, c'est devenu bourgeois et commun, je ferai supprimer cela aussi chez nous.�
La bonne dame appuya sur le timbre du ma�tre de la maison, et aussit�t la porte s'ouvrit; elle n'eut qu'� entrer dans un ascenseur qui se pr�senta devant la porte et � descendre lorsque l'ascenseur s'arr�ta. Une autre porte s'ouvrit d'elle-m�me, et elle se trouva dans une grande pi�ce aux lambris garnis du haut en bas de grandes �pures colori�es ou de photographies d'appareils extr�mement compliqu�s. Au milieu se trouvait une grande table entour�e de quelques fauteuils. Mme Lacombe n'avait encore vu personne, aucun serviteur ne s'�tait pr�sent�. �tonn�e, elle prit un fauteuil et attendit.
�Que d�sirez-vous?� dit une voix comme elle commen�ait � s'impatienter.
C'�tait un phonographe occupant le milieu de la table qui parlait.
�Veuillez me dire votre nom et l'objet de votre visite?� ajouta le phonographe.
C'�tait la voix de Philox Lorris, Mme Lacombe la connaissait par les phonogrammes de conf�rences envoy�s � Estelle. Elle fut interloqu�e par cette fa�on de recevoir les visiteurs.
�En voil� un sans-g�ne, par exemple! s'�cria-t-elle; ne pas daigner se d�ranger soi-m�me, faire recevoir par un phonographe les gens qui ont pris la peine de se d�ranger en personne... je trouve cela un peu faible comme politesse. Enfin!
—Je suis en �cosse, tr�s occup� par une importante affaire, poursuivit le phonographe, mais ayez l'obligeance de parler...�
Mme Lacombe ignorait que Philox Lorris �tait toujours en �cosse ou ailleurs d'abord, pour toutes les visites, mais qu'un fil lui transmettait dans son cabinet le nom du visiteur. Alors, s'il lui plaisait de le recevoir, il pressait un bouton, le phonographe de la salle de r�ception invitait l'arrivant � prendre telle porte, tel ascenseur et ensuite tel couloir et encore telle porte qui s'ouvrirait d'elle-m�me.
�Je suis Mme Lacombe. Mon mari, inspecteur des phares alpins, m'a charg�e de vous pr�senter tous ses remerciements... de vifs remerciements...�
Mme Lacombe balbutiait; la ch�re dame, pourtant bien rarement prise � court, ne trouvait plus rien � dire � ce phonographe. Elle se proposait de gagner Philox Lorris par ses mani�res �l�gantes, par le charme de sa conversation, mais elle n'�tait pas pr�par�e � cette entrevue avec un phono.
�Oui, vous �tes en �cosse comme moi, je m'en doute! dit-elle en se levant fortement d�pit�e; vous �tes un ours, monsieur, je l'avais d�j� entendu dire et je m'en aper�ois, un triple ours et un impoli, avec votre phonographe; si vous croyez que je vais prendre la peine de causer avec votre machine...
—Continuez, j'�coute! dit le phonographe.
—Il �coute! fit Mme Lacombe, on n'a pas id�e de �a; croyez-vous que j'aie fait deux cents lieues pour avoir le plaisir de faire la conversation avec vous, monsieur le phonographe? Tu peux �couter, mon bonhomme! Je m'en vais? Oui, Philox Lorris est un ours; mais son fils, M. Georges Lorris, est un charmant gar�on qui ne lui ressemble gu�re heureusement!... Il doit tenir �a de sa maman; la pauvre dame n'a sans doute pas beaucoup d'agr�ment avec son savant de mari; j'ai entendu vaguement parler de bisbilles de m�nage... �videmment, avec ses phonographes, c'est cet ours de mari qui avait tous les torts.
—C'est tout? dit le phonographe; c'est tr�s bien, j'ai enregistr�...
—Ah! mon Dieu! s'�cria Mme Lacombe soudain effray�e, il a enregistr�; Qu'ai-je fait?... Je n'y pensais pas, il parlait, mais en m�me temps il enregistrait! Ce phonographe va r�p�ter ce que j'ai dit! C'est une trahison!... Mon Dieu, que faire? Comment effacer? Oh! l'abominable machine! Comment la tromper?... Aoh! je volais vous dire... Je suis une dame anglaise, mistress Arabella Hogson, de Birmingham, venue pour apporter un t�moignage d'admiration � l'illustre Philox Lorris...�
Mme Lacombe fouilla f�brilement dans le petit sac qu'elle tenait � la main, elle en tira une tapisserie de pantoufles qu'elle venait d'acheter pour M. Lacombe et la d�posa sur le phonographe.
�Tenez, c'est une paire de pantoufles que j'ai brod�es moi-m�me pour le grand homme... Vous n'oublierez pas mon nom, mistress... Ah! mon Dieu, fit-elle, en voil� bien d'une autre, il y a un petit objectif au phono, le visiteur est photographi�! Il a mon portrait maintenant... Tant pis, je me sauve!�
Elle se dirigea vers la porte, mais elle revint vite.
�J'allais mettre le comble � mon impolitesse, partir sans prendre cong�; que penserait-on de moi?... Heureuse et fi�re d'avoir eu un instant de conversation avec l'illustre Philox Lorris, malgr� les interruptions d'une dame anglaise tr�s ennuyeuse, son humble servante met toutes ses civilit�s aux pieds du grand homme! pronon�a-t-elle en se penchant vers le phonographe.
—J'ai bien l'honneur de vous saluer,� r�pondit l'appareil.
Mme Lacombe, bien qu'elle ne se d�mont�t pas facilement, rentra tout �mue � Lauterbrunnen et ne se vanta pas de sa visite.
Quelque temps apr�s, Estelle passa son dernier examen pour l'obtention du grade d'ing�nieure. Elle avait confiance maintenant, elle se trouvait bien pr�par�e, bien ferr�e sur toutes les parties du programme, gr�ce aux conseils de Georges Lorris et � toutes les notes qu'il lui avait communiqu�es. Elle partit donc avec tranquillit� pour Zurich, se pr�senta comme tous les candidats et candidates � l'Universit� et, forte des bonnes notes obtenues � l'examen �crit, affronta l'examen oral sans trop de battements de cœurs cette fois.
Aux premi�res questions tombant du haut des imposantes cravates blanches de ses juges, l'aplomb inhabituel et tout factice de Mlle Estelle l'abandonna tout � coup; elle rougit, p�lit, regarda en l'air, puis � terre en h�sitant... Enfin, par un violent effort de volont�, elle parvint � retrouver assez de sang-froid pour r�pondre. Mais toutes ces mati�res qu'elle avait �tudi�es avec tant de conscience se brouillaient maintenant dans sa t�te; elle confondit tout ce qu'elle savait pourtant si bien et r�pondit compl�tement de travers. Quelle catastrophe! le fruit de tant de travail �tait perdu! Des z�ros et des boules noires sur toute la ligne, voil� ce qu'elle obtint � cet examen d�cisif.
Sa d�solation fut grande; dans son trouble, elle oublia que sa m�re, certaine de son triomphe, devait la venir chercher � Zurich; elle prit bien vite son a�rocab et, � peine rentr�e, courut se renfermer dans sa chambre pour pleurer � l'aise, apr�s avoir charg� le phonographe du salon d'apprendre � ses parents son �chec.
Elle �tait ainsi plong�e dans son chagrin depuis une demi-heure, lorsque la sonnerie d'appel du t�l�phonoscope retentit � son oreille. Elle mit la main en h�sitant sur le bouton d'arr�t.
�Qui est-ce? se dit-elle en s'essuyant les yeux; tant pis si ce sont des amis qui viennent s'informer du r�sultat de mon examen, je ne re�ois pas, je les renvoie � maman.
—All�! all�! Georges Lorris,� dit l'appareil.
Estelle pressa le bouton, Georges Lorris apparut dans la plaque.
�Eh bien? dit-il, comment! des larmes, mademoiselle, vous pleurez?... Cet examen?
—Manqu�! s'�cria-t-elle, essayant de sourire, encore manqu�!
—Ces bourreaux d'examinateurs vous ont donc demand� des choses extraordinaires?
—Mais non, fit-elle, et j'en suis d'autant plus furieuse contre moi!... Les questions �taient difficiles, mais je pouvais r�pondre, je savais... gr�ce � vous...
—Eh bien?
—Eh bien! ma d�plorable timidit� m'a perdue; devant mes juges, je me suis troubl�e, embrouill�e, j'ai tout confondu... et j'ai �t� �cras�e sous les boules noires...
—Ne pleurez pas, vous vous pr�senterez une autre fois et vous serez plus heureuse. Voyons, Estelle, ne pleurez pas... je ne veux pas... je ne puis
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