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Book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 - C.-A. Sainte-Beuve (thriller novels to read .txt) 📗». Author C.-A. Sainte-Beuve



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Sous Ce Nom, Théocrite Prend Peine À Soigner Le

Costume Et À Le Faire Paraître Vraisemblable: «De Ses Épaules Pendait

Une Blonde Peau De Bouc À Longs Poils, _Qui Sentait Encore La Présure_;

Autour De Sa Poitrine Un Vieux Manteau Se Serrait D'un Large Baudrier,

Et De Sa Droite Il Tenait Un Bâton Recourbé D'olivier Sauvage. Et

Doucement Il Me Dit, En Montrant Les Dents, D'un Regard Souriant, Et Le

Rire Jouait Sur Sa Lèvre.»

 

Au Sujet De Cette Peau _Qui Sent Encore La Présure_, Et Que Je N'ai Pas

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Voulu Dérober Par Fausse Bienséance, On Remarquera Que Ce Sont Là Des

Circonstances Qui Plaisaient Aux Anciens, Bien Loin De Leur Répugner;

Ils Les Recherchaient Plutôt Volontiers. Ici Le Poëte Fait Allusion,

Comme On Voit, Aux Fromages Et À La Substance Aigrelette Qui Sert À

Cailler Le Lait: Il En Reste Aisément Une Odeur Au Vêtement Rustique Où

L'on S'essuie. Ces Menues Particularités, Jetées En Passant, Donnent Au

Récit Un Air Parfait De Vérité. Il Est Manifeste D'ailleurs Que, Sauf

Le Costume, Ce Personnage De Lycidas N'est Pas Une Invention, Et Que

Le Poëte, En Insistant Sur Cette Physionomie À La Fois Avenante Et

Railleuse, Sur Ce Rire Du Coin De L'oeil Et Sur Cette Lèvre Fendue Où

Siège L'enjouement, A Dessiné Un Portrait D'après Nature[4]. Le Ton

De Lycidas Répond D'abord À Son Air, Et Tout Ce Qu'il Touche S'anime

Aussitôt: «Simichidas, Dit-Il (C'est Le Nom Sous Lequel Théocrite S'est

Ici Personnifié), Où Donc Tires-Tu De Ce Pas Par Ce Soleil De Midi,

Quand Le Lézard Lui-Même Dort Sur Les Haies Et Que L'alouette Huppée Ne

Vague Plus? Est-Ce Quelque Repas Où Tu Te Hâtes Comme Convive? Ou Bien

T'en Vas-Tu De Ton Pied Léger Vers Le Pressoir De Quelque Bourgeois,

Que Tu Fais Ainsi En Marchant Chanter Sous Tes Clous Chaque Pierre Du

Chemin?» On Devine Peut-Être De Quelle Façon Vive Cette Gaie Parole Doit

Se Comporter Dans L'original: Qu'on Y Joigne Les Nombreux Et Presque

Continuels Dactyles Qui Sont L'âme Du Vers Bucolique (Comme L'un De Nos

Meilleurs Hellénistes, M. Rossignol, Après Valckenaer, L'a Récemment

Démontré), Et L'on Aura Idée De L'allégresse Singulière Du Propos; Tout

Cela Bondit, Tout Cela Chante. Il Était Bien Vrai De Dire Que Ce Lycidas

Ne Voyage Qu'avec Les Muses: Il Sème La Poésie Au-Devant De Lui.

Simichidas Ou Théocrite Répond. Dans Sa Réponse Percent À La Fois

L'admiration Sincère, L'émulation Sans Envie, Une Confiance Modeste,

Ardente Pourtant, Et Une Espérance Généreuse:

 

    Cher Lycidas, Tout Le Monde Te Proclame De Beaucoup Le Plus Grand

    Joueur De Flûte Entre Les Pasteurs Et Les Moissonneurs; Ce Qui

    M'échauffe Grandement Le Coeur, Et Je Me Promets Bien De Me Porter

    L'égal De Toi. Nous Allons De Ce Pas À Une Fête De Thalysies; C'est

    Chez Des Amis Qui Préparent Un Repas À L'auguste Cérès Avec Les

    Prémices De Leur Opulence, Car La Déesse A Comblé Leur Grange D'une

    Grasse Mesure De Froment. Mais Allons, Et Puisque La Route Nous

    Est Commune Et Aussi L'aurore, Bucolisons À L'envi; Peut-Être Nous

    Ferons-Nous Plaisir L'un À L'autre. Car Moi Aussi Je Suis Une Bouche

    Brûlante Des Muses, Et Tous Aussi Me Proclament Chantre Excellent;

    Mais Moi Je Ne Suis Pas Près De Les Croire. Non, Par Le Ciel! Car, À

    Mon Sens, Je N'en Suis Pas Encore À Vaincre Ni Le Bon Asclépiade De

    Samos, Ni Philétas, Avec Mes Chants, Et Je Me Fais Plutôt L'effet

    De La Grenouille Qui Le Dispute Aux Sauterelles.---Ainsi Je Parlais

    _Exprès_; Et Le Chevrier Reprit Avec Un Doux Sourire...»

 

[Note 4: Dans L'_Épitaphe_ De Bion Par Moschus, On Retrouve (Vers

97) Ce Même Lycidas De Crète: «Lui Qui Toujours Auparavant Était

Brillant À. Voir Avec Le Regard Souriant, Maintenant Il Verse Des

Pleurs.»]

 

Arrêtons-Nous Un Moment À Ces Traits Vivants De Caractère; Nous Savons

Dès L'enfance Ces Derniers Vers Par L'imitation Heureuse De Virgile: _Me

Quoque Dieunt Vatem Pastores..._; Ils Nous Frappent Davantage Ici Comme

Se Rapportant À La Personne Même De Théocrite Et Nous Donnant Jour Dans

Ses Pensées. Le Jeune Poëte Est Modeste, Mais Il Ne L'est Pas Tant Qu'il

En A L'air; Il A Tressailli De Joie À Cette Rencontre De Lycidas, Et Il

Brûlé De Se Mesurer Avec Lui. Pour L'y Décider, Il Combine La Louange

Et Les Airs De Discrétion, Il S'humilie À Dessein; Tout-À L'heure Il Se

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Relèvera, Et Déjà Le Feu Dont Il Est Plein Lui Échappe: _Et Moi Aussi Je

Suis Une Bouche Brûlante Des Muses_!

 

Lycidas, En Répondant, Le Loue D'abord De Sa Modestie, Et Il Le Fait En

D'expressives Images: «Cette Houlette, Dit-Il En Montrant Le Bâton Qu'il

Tient À La Main, Je Te La Donnerai En Présent, Parce Que Tu Es Une Pure

Tige De Jupiter, Toute Façonnée Pour La Vérité. Autant M'est Odieux

L'architecte Qui Chercherait À Élever Une Maison Égale À La Cime Du Mont

Oromédon, Autant Je Hais, Tous Tant Qu'ils Sont, Ces Oiseaux Des Muses

Qui S'égosillent À Croasser À Rencontre Du Chantre De Chio.»--Ainsi

La Ligne Littéraire De Théocrite, Comme Nous Dirions Aujourd'hui, Est

Nettement Dessinée: Il Vient À La Suite Des Maîtres Et N'a D'ambition

Que De Se Voir Accueilli Par Eux; Il Se Sépare Des _Criailleurs_ De

Son Temps, C'est Le Mot Qu'il Emploie; Mais, D'autre Part, Il Ne Croit

Nullement Que La Barrière Soit Fermée, Ni Qu'il N'y Ait Plus Rien À

Faire En Poésie. A Cette Époque Déjà On Ne Manquait Pas (Lui-Même Nous

L'apprend) De Gens De Mauvaise Humeur Et Occupés D'intérêts Positifs,

Qui Disaient Que _C'était Bien Assez Pour Tous D'un Seul Homère_.

Théocrite Proteste; Il Les Réfute, Et Surtout Par Son Exemple. C'est

Ainsi Que, Tout En S'inclinant Pieusement Devant Homère Et Les Grands,

Il A Mérité De Prendre Place À La Suite, Et Dans La Perspective Des Âges

Il Nous Apparaît Encore Comme Le Dernier Venu Du Groupe Immortel.

 

Lycidas, Gagné À Son Appel Insinuant, Se Met Donc Pendant La Route À

Lui Chanter Un Petit Couplet Qu'il A Fait L'autre Jour, Dit-Il, Sur La

Montagne. C'est Un Couplet D'amour En Faveur D'un Objet Chéri, Lequel

Est Sur Le Point De S'embarquer Pour Mitylène. Il Souhaite À Cet Objet

Un Heureux Départ, Moyennant Certaine Condition Pourtant: Il Lui

Prédit Une Navigation Heureuse, Même Au Coeur De L'hiver; Et Lorsqu'il

Apprendra Son Arrivée À Bon Port, Ce Jour-Là, Par Réjouissance, Il Se

Promet Bien Le Soir, Auprès D'un Feu Où Grillera La Châtaigne, Accoudé

Sur Un Lit De Feuillage Et Buvant À Pleine Coupe, De Se Faire Chanter

Par Tityre Toutes Sortes De Belles Chansons, Et L'amour Du Bouvier

Daphnis Pour Une Étrangère, Et Comatas Enfermé Dans Un Coffre. Ce

Comatas, Il Est Bon De Le Savoir, Était Un Simple Chevrier À Gages,

Très-Dévot Aux Muses, Auxquelles Il Faisait Souvent Des Sacrifices Avec

Les Chèvres Du Troupeau Qui Ne Lui Appartenait Pas. Son Maître, Dont Ce

N'était Pas Le Compte, L'enferma Vivant Dans Un Coffre Pour L'y Faire

Mourir: «Nous Allons «Voir Pour Le Coup, Disait-Il, À Quoi Te Serviront

Tes «Muses Maintenant.» Mais Quand Il Rouvrit Le Coffre, Au Bout D'une

Année, Il Le Trouva Tout Rempli De Rayons De Miel; C'était L'oeuvre Des

Abeilles, Messagères Des Muses, Qui Étaient Venues De Leur Part Nourrir

Le Prisonnier. S'exaltant À Ce Poétique Souvenir, Le Chanteur S'écrie:

«O Bienheureux Comatas, C'est Bien Toi Qui As Été L'objet De Telles

Douceurs! Et Tu As Été Reclus Dans Le Coffre, Et, Toute Une Saison

Durant, Tu As Résisté, Nourri Des Rayons Des Abeilles. Que N'étais-Tu De

Mon Temps Parmi Les Vivants? Comme J'aurais Aimé À Te Faire Paître Tes

Belles Chèvres Sur Les Montagnes Pour Ouïr Ta Voix! Et Toi, Étendu Sous

Les Chênes Ou Sous Les Sapins, Tu N'aurais Qu'à Chanter Tes Doux Airs,

Divin Comatas!» Il S'exhale De Tout Ce Passage Un Sentiment De Tendre

Respect Et Comme D'adoration Enthousiaste Pour Les Choses Enchanteresses

Et Désintéressées De La Vie Humaine; Chaque Accent S'élance D'un Coeur

Que Pénètre Le Culte Du Talent, De La Poésie Et Des Grâces.

 

Il Est Une Idée Qui Naît À Ce Propos Et Qu'on Ne Saurait Tout À Fait

Supprimer: C'est Qu'on Trouverait Au Moyen-Age Plus D'un Fabliau Qui Se

Pourrait Rapprocher Sans Trop D'effort De Cette Légende Du _Bienheureux

Comatas_. Maintes Fois, Par Exemple, S'il Est Permis De La Nommer En Ce

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Voisinage Profane, Notre-Dame La Toute-Clémente Pardonna Ses Méfaits Au

Pécheur Qui N'était Dévot Qu'à Elle, Même Aux Dépens D'autrui; Elle Fit

Des Miracles Pour Le Sauver. Il Y Eut Là Des Superstitions Poétiques Et

Gracieuses Aussi; Je Ne Fais Que Les Indiquer; Elles Seraient Plutôt

Du Ressort Des Malicieux Peut-Être Qui Se Plairaient À Sourire Du

Rapprochement, Ou Des Érudits Qui Auraient À Coeur De Comparer Les

Fictions Diverses. J'aime Mieux Ne Pas Me Détourner De L'idéal Pur, Et

Ne Pas Venir Mêler Sans Nécessité Le Moyen-Age À La Grèce, Gautier De

Coincy À Théocrite.

 

Lycidas, Comme Sa Chanson Le Prouve Et Toute Sa Belle Humeur, Est

Évidemment Bien Plus Un Poëte Qu'un Amoureux; Il Se Console Aisément De

L'objet Absent Avec Ses Chères Déesses. Théocrite M'a L'air D'être Un

Peu De Même. Je Ne Donnerai Que Le Début De Sa Réponse. Tout À L'heure

Il A Fait Le Modeste Exprès, Pour Engager L'autre Et Entamer Le Jeu;

Maintenant Qu'il A Réussi À Le Faire Chanter, Il Se Montre Tel Qu'il Se

Sent, Et Il Relève À Son Tour Son Front De Poëte: «Cher Lycidas, À Moi

Aussi Pasteur Sur Les Montagnes, «Les Nymphes M'ont Appris Bien D'autres

Belles Choses «Que La Renommée Peut-Être A Portées Jusques Au Trône De

«Jupiter; Mais En Voici Une, Entre Toutes, De Beaucoup Supérieure, «Avec

Quoi Je Prétends Te Récompenser. Or Écoute, «Puisque Tu Es Ami Des

Muses.» Et Après Avoir Touché Légèrement Son Propre Amour Pour Une

Certaine Myrto, Il En Vient À Célébrer Celui De Son Ami, Le Poëte

Aratus, Passion Indigne Et Cruelle Dont Il Le Voudrait Voir Délivré. Dès

Qu'il A Fini, Lycidas, Avec Ce Rire Aimable Qui Ne L'abandonne Jamais

Et Qui Fait Le Trait Saillant De Sa Physionomie, Lui Donne En Cadeau

Sa Houlette; Et Comme Ils Sont Arrivés, Chemin Faisant, À L'endroit Où

Leurs Routes Se Séparent, Il Tourne À Gauche Et Les Quitte, Tandis

Que Les Trois Autres Amis N'ont Plus Qu'un Pas Jusqu'au Lieu De Leur

Destination. C'est Là Qu'il Les Faut Suivre, Et Je Vais Traduire Aussi

Textuellement Que Je Le Pourrai Cette Fin De L'églogue, Dans

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